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Huacachina | Derniers mirages

avant le silence, le sable

jeudi 17 avril 2025

De Huacachina, le 17 avril, remontant les crêtes des dunes à l’ouest de l’oasis, entre le Pacifique et les premières pentes des Andes, sidéré par l’irréel des sables comme des vagues figées, entendre au loin les hurlements gras des buggies chevauchant sous le vent brûlant, chercher l’illusion d’un autre monde.

C’était pourtant là, autrefois, dit-on, qu’une princesse pleura tant la mort de son amant qu’elle laissa tomber un miroir qui, brisé, fit surgir la lagune. Larmes devenues eau, légende née du sable, et l’on bâtit autour de l’histoire une promesse – celle d’une halte où l’aride cesserait. Et ce fut donc Huacachina murmuré comme un sortilège indigène, battement de langue sec et chantant, enclave dans la mer ancienne d’Ica où l’océan lui-même avait reculé.

Le désert serait donc une mémoire. Celle des courants de sable modelés par les vents katabatiques venus de la Cordillère. Dans les dunes, mobiles, presque vivantes, pourraient se lire les pages du temps qui bouge. Au centre, l’eau stagnante, aujourd’hui alimentée par les pompes souterraines, comme si l’on refusait d’admettre que l’oasis, naturellement, s’éteint.

Les touristes dévalent les pentes en cris fendus, sablent le couchant comme on brûle une chandelle par les deux bouts. Ils dorment dans des chambres climatisées à deux pas des palmiers importés. Le sable colle aux peaux, entre dans les lentilles, les cartes SD, les sacs – résidu d’une fête finie, d’un monde où tout serait déjà en ruine. On vient ici comme on visiterait une carte postale du passé : l’oasis comme fiction survivante, relique d’un monde croyant encore aux miracles.

Huacachina. Semblant de ville en boucle autour d’un étang vert comme un mirage persistant, cernée de bars vides et d’hôtels absurdes, plantée là entre désert et béton : s’étonner chaque seconde que l’oasis existe vraiment, et plus encore qu’on ait voulu y croire assez pour construire son rêve humain.

Alors on repart avec un goût salé sur la langue – non pas de mer, mais de ce que la fin du monde laisse : cet arrière-goût de beauté abîmée. Huacachina, absurde et magnifique, persiste. Mais on la sent, déjà, effacée. Avalée bientôt par le sable ou le silence.

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