arnaud maïsetti | carnets

Accueil > JOURNAL | CONTRETEMPS (un weblog) > Jrnl | De la grisaille

Jrnl | De la grisaille

[16•12•22]

vendredi 16 décembre 2022


Rêver, étant endormi, est-ce avant tout voir des images et des scènes, avoir affaire à du visible, de l’audible ? Semblable à quantité d’autres rêveurs de nuit, en rêve je ne proteste pas, m’habituant à l’instant à la situation, si impossible qu’elle soit, sans la rejeter, sans m’en évader. Les images visuelles ne sont là que subordonnées, pour l’accompagnement, pour ajouter à la crédibilité, et juste indispensable. De la grisaille. La grisaille n’est pas seulement là.

Henri Michaux, Le rideau des rêves

Ce qui justifie un jour peut parfois tenir à quelques secondes, un instant même au cours duquel vivre aurait lieu et la force d’y croire, peu importe si l’instant a duré ou non, et même — je l’apprends ce jour — peu importe s’il a eu lieu, comme ce matin dans le rêve tandis que réveillé brutalement il n’en restait rien, sauf cette qualité fragile d’émotion, mais aucune image, aucun souvenir, rien.

Dans le soir en rentrant, cette lumière jetée dans la mer désespérément comme s’il s’agissait de tirer les premiers pour faire bonne figure dans la défaite : mais non, le vent frappait fort contre les premiers remparts du monde, la mer franchissait parfois avant de s’écraser sur le sol de tout son poids mort, les voitures passaient, arrogantes et victorieuses, c’était la nuit bientôt, tant pis.

Ce soir, les cris des enfants dans l’école tout près donnent le signal des vacances : le mot existe encore, il dit quelque chose qui autrefois savait dire quelque chose en moi ; dans l’œuvre de Georges Bataille s’organise une pensée autour d’une formule magique — l’indifférence des ruines  —, et c’est peut-être cela qu’on nomme, nous autres, la réalité devant les hurlements des enfants dans fin décembre.