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Jrnl | Les murs sont faits de peaux

[24•08•23]

jeudi 24 août 2023


La Mousson s’ouvre. Les Rencontres théâtrales internationales des écritures dramatiques de Pont-à-Mousson dirirgées par Véronique Bellegarde commencent ce jeudi 24 août et pour une semaine, la Mousson d’été sera le théâtre des lectures, conférences, université d’été. Pour la deuxème année, je tiendrai le journal du Festival, Temporairement Contemporain. Je dépose ici le billet d’ouverture du numéro 0.


« Le théâtre est dans la ville et la ville est dans le monde et les murs sont faits de peau », écrivait la dramaturge Marianne Van Kerkhoven — des peaux frottées à l’expérience de vivre, au ciel, aux autres et à nos solitudes partagées. Les murs de l’Abbaye des Prémontrés sont aussi faits de peau, la nôtre de nouveau pour quelques jours.

Quelles sont les nouvelles du présent et qui les donnera ? La Mousson 2023 s’ouvre et avec elle, comme des portes battantes, ce qui pourrait donner des forces, du courage et le désir, sous des manières plus joyeuses ou douloureuses, de regar- der le monde autrement que comme on nous le jette au visage habituellement, elle appelle aussi à ne pas s’en tenir là. Des forêts épaisses du Québec et de la pampa désertique d’Argentine, de la paseo maritimo de Barcelone et des quar- tiers portuaires de Beyrouth, du Portugal, de Belgique, de Cameroun ou du Cher, de Norvège, d’Italie et d’ailleurs, les affluents qui viennent rejoindre la Moselle sont aussi nombreux que les feuilles des tilleuls. Ils invitent à se perdre pour retrou- ver peut-être ce qu’on ignorait qui nous manquait et qui soudain s’impose : cette qualité de temps qu’on prend comme s’il s’écoulait différemment ici, au rythme des cygnes songeurs, des nuages accrochés aux tours de l’église Saint-Martin, des paroles qui tombent pour qu’on les ramasse, qui se lèvent pour qu’on s’y hausse, qui nous frappent parfois au visage pour nous consoler, qui savent faire pleurer, mais qui soudain sèchent nos larmes et où l’on puise la joie d’être ici ceux qui sont là et font du présent ce bien qu’on rompt comme du pain. « Le théâtre est dans la ville et la ville est dans le monde » : il est aussi à l’ombre des arbres et dès qu’on prononce les paroles dans le silence. La scène est à Pont-à-Mousson. Quelles sont les nouvelles ? Les auteur·trices qui s’affrontent au présent le font sans souci d’en révéler le secret — écrivent peut-être dans le désir qu’il se forge à son écoute. Le théâtre n’a pas besoin d’un théâtre : il a besoin de peaux et d’être dans l’air qu’on respire et le souffle et les lèvres ; le théâtre n’a besoin que de croire que le vent pourrait être du langage capable de soulever le monde pour l’emporter ail- leurs afin qu’on le regarde autrement, et dans les yeux — ailleurs, par exemple : ici.