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Jrnl | Toutes choses sont neuves

[23•11•27]

lundi 27 novembre 2023


Saint-Paul a écrit : Vetera transierunt sed omnia nova.
Les vieux ont beau vieillir, toutes choses sont neuves.

Pascal Quignard, Les heures heureuses (2023)

Si dans chaque geste réalisé pour la première fois s’accomplit tous les gestes, c’est que se réalise en lui toute première fois et ce qui s’achève en cela, s’exaspère : un premier pas porte en lui l’idée de marche et de chute, y compris celle d’Adam et d’Ève morts de honte au jour de cette naissance, les bras repliés sur leur corps nu cherchant à masquer leur peau et ne le pouvant pas — oui, un premier pas porte toujours en lui celui qui fut posé hors du jardin, ce pas qui inventa le monde pour nous, marche repoussant ses limites à chaque pas : ainsi du ciel traversé des nuages recommence le ciel, et du jour amassé au-dessus de nous, de l’aube, et du soir que l’aube appelle et porte, ainsi de ce cri qu’on pousse au fond de soi quand on s’endort, ainsi des lèvres posées sur les lèvres fermées et qui se serrent encore, ainsi de tout — sauf de la nuit, qui ne commence jamais, qui ne s’achève pas, qui seule demeure immobile sur elle-même et comme pour toujours et qui se brise soudain dans son oubli pour nous laisser seuls.

En sortant du bus, longeant la mer, mes pensées échouées sur elles-mêmes comme la mer en contre-bas, ce type qui me regarde au loin, et quand je m’approche, qui me lâche : « pardon » en baissant les yeux soudain, et je ne m’arrête pas, je continue, je me retourne seulement vingt mètres plus loin et je le vois le visage entre ses mains comme secoué de sanglots, restant là.

Dans le rêve de cette nuit, encore cette image : je perds l’enfant dans un marché bondé, alors je me mets à courir, je cours, je ne m’arrête pas, je ne me rends pas compte que je m’éloigne, je cours, je saute dans le fleuve, je nage, je plonge dans l’eau, je le cherche derrière les pierres dans l’eau, je ressors trempé, je cours encore, je m’enfonce dans la jungle, je me perds de vue.