Accueil > MOUSSONS D’ÉTÉ > MOUSSON | 2025 > La Mousson d’Été 2025 | Temporairement Contemporain [n°3]
La Mousson d’Été 2025 | Temporairement Contemporain [n°3]
Quatrième jour
dimanche 24 août 2025

Une semaine durant, à la Mousson d’été, pour la quatrième année, j’écris le journal du festival en compagnie cette année de Laëtitia Guichenu. Ici le Temporairement Contemporain du jour.
Dater nos colères
« Je crois que j’ai dérivé dans ce que les gens du métier appellent un hors-d’œuvre. Cependant, je laisserai ces pages, — parce que je veux dater ma colère… ». L’encre n’a pas séché sur le feuillet de Mon cœur mis à nu que Baudelaire rature colère et dépose à la place le mot de « tristesse ». Dans ce geste tremblé se lit le vacillement – d’une rage trop vive pour se laisser fixer à la mélancolie seule capable de consentir à la durée. Mais chacun des mots porte l’autre en lui et le soulève et le déplace. À la Mousson d’été, le théâtre reprend cette rature : expose les colères du monde et les pousse jusqu’à l’épuisement des voix et des corps afin de mieux les dévoiler. Dater la colère, c’est la transformer en mémoire et la contraindre à devenir récit — et écrire la tristesse, c’est déjà l’user pour la retourner. Alors elle se mue, par la bouche qui parle, en chant. Si la tristesse naît de la colère, de cette tristesse peut s’emporter la joie : une joie qui n’est pas dupe de ce qu’elle doit traverser pour se dire, joie fragile, mais obstinée arrachée au désastre même pour lui faire face. Théâtre : passage secret fouillant en soi et capable de travailler au feu de la rage la tristesse de la terre pour la renverser.

