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l’acquiescement (pourquoi pas toujours)

vendredi 8 mars 2013


La famille respectait sa solitude ; le démon pas. Bien que Bernard eût mis bas sa veste, il étouffait. Par la fenêtre ouverte sur la rue n’entrait rien que de la chaleur. Son front ruisselait. Une goutte de sueur coula le long de son nez, et s’en alla tomber sur une lettre qu’il tenait en main…

Gide, Les Faux Monneyeurs

De l’autre côté maintenant, passé d’une semaine sur l’autre mais ici, qu’est-ce qui a changé (tout, comme chaque jour). Je regarde lentement les métros passer sous le corps, ne compte même pas cette pulsation pleine de hoquets de la ville qui s’éloigne de moi. La skyline de la Défense ne sert qu’à regarder plus loin où se perd l’horizon, et s’il y a trop de nuages, c’est pour regarder en soi où cela conduit. Cela conduit ici, où j’attends, dansant d’un pied sur l’autre pour chasser le froid, et remuer les cheveux un peu — oh que le froid me quitte pour toujours et dure cette journée entière.

[…]

Longue ellipse (du film merveilleux seulement quelques phrases restent que je garde un peu le temps qu’elles se déforment suffisamment en moi pour que je parle en elles, plus tard, sans le savoir). Juste celle-ci :

où vit-on, là [1], pourquoi pas toujours [2]

Je déforme déjà. Je n’oublie pas le bruit des gens qui partaient, silencieusement ; la lumière sur le visage non plus, jamais.

En rentrant, penser aux jours qui se lèvent, que rien n’arrête ; est-ce ainsi que les choses se réalisent en nous — quand le silence sur lequel on bute, sans cesse, et tournant sur lui même sans autre réponse qu’un silence plus sourd encore, s’arrête soudain ; et qu’on trouve quelque chose de plus grand.

Ce n’est pas un immeuble de plus bâti sur une ville de plus, ce n’est pas non plus une idée, non, haute et creuse, ce n’est pas un mot non plus qui contiendrait les autres, mais comme on renonce à certaines questions pour certaines réponses, et qu’au lieu du silence on puise dans le corps ce qu’il reste de force pour passer, ce plus grand tient à l’acquiescement simple d’une vie acceptée comme la nôtre et dont on ferait présent.

Là-bas, quelqu’un passait aussi.


[1voire : où est-on, quand on est là

[2ou était-ce : où vit-on quand on est là — comment le savoir