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Respice finem (sous les hurlements d’oiseaux fous)

mercredi 12 février 2014



J’aurai marché lentement dans le soir. La lune est haute, presque ronde. À la verticale des arbres, elle semblerait tomber. Et toujours le cri des mouettes à la mort. Je me serai demandé pourquoi. En rentrant, j’aurai penché pour le soleil, parce que le soleil s’éloigne, elles hurlent. Ou ce sont eux qui le chassent, peut-être. Les mouettes chaque soir rejouent la cérémonie sacrée de la fin d’un monde qui recommence chaque soir de recommencer. Je serai rentré en ralentissant davantage pour en retenir la lumière, comme une leçon que je ne parviens à apprendre.

Cette phrase : non, je ne sais plus (il était question du rêve que dans le rêve on ferait : un reproche à celui qui ne sait pas rêver ses rêves dans son rêve, mais je ne sais plus, plus du tout).

Quatre jours, j’aurai repoussé les courriers en retard — alors toute l’après-midi aura été consacrée à cela ; sauf le soir, où j’aurai lu, longtemps. Et écris ceci, un peu. De plus en plus, j’ai l’impression que je n’écris que lorsque je n’ai pas le temps d’écrire. Il fait si noire dans la chambre ; seules les touches de l’ordinateur allumées me permettent d’avancer un mot après l’autre chaque mot comme des mains dans le noir, les mots pour le dire.

Et Threnody de Goldmund, qui remplit tout l’espace de cette chambre, et dedans moi.

Je ne pensais pas que m’affecterait autant la mort de mes plantes ; leur longue agonie. Mon hypothèse est que je leur ai donné trop d’eau ; la soif, à l’envers.

J’ai ouvert cette page parce que je voulais écrire ce qu’il y avait posé sur mon bureau, en pile, sous enveloppes, mais il n’y a rien à dire, alors j’ai parlé de la fin du jour et du cri des mouettes.

Seulement ceci — on écrit pour cesser d’écrire, oui, pour dehors être rendu au jour, oui ; pour que, après avoir écrit, on puisse de nouveau être cela, qui est rendu au jour ; et on recommencera d’écrire pour de nouveau infiniment être celui qui aura cessé d’écrire et qui pourra, lentement, rentrer sous les cris d’oiseaux fous qui en appelant le soleil le chassent, et le font tomber dans la mer.