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Sous surveillance | Votez cadavre, votez vulgaire

Pour une guerre continuelle

lundi 15 mai 2017

Il y a partout la même structure pyramidale, le même culte d’un chef semi-divin, le même système économique existant par et pour une guerre continuelle.

George Orwell, 1984


Rien de ce qui commence n’est écrit : et tout se lit pourtant sur les affiches déchirées qui restent, comme des restes d’un repas vite avalé, vite recraché, sur les parois des villes. On se plonge dans des textes qui pourraient être des avertissements, et qui ne sont que des veilles : des manières de nous veiller, de nous dire ce qui avant toutes choses les produit. On tâche de lire la ville avec ces armes qui n’en sont pas.


Le mot « guerre », lui-même, est devenu erroné. Il serait probablement plus exact de dire qu’en devenant continue, la guerre a cessé d’exister. […] Une paix qui serait vraiment permanente serait exactement comme une guerre permanente. [C’est] la signification profonde du slogan du parti : La guerre, c’est la Paix.

George Orwell, 1984


Les types qui se passent le pouvoir (comme par dessus la jambe) le font en notre nom : disent-ils. Avec le même nom ils ont fait les guerres et les pactes économiques, avec le même nom, le nôtre, ils ont construit les villes invivables qui nous entourent, qui nous habitent, en notre nom ils disent le droit qu’ils enfreignent : toute banalité que notre nom même ne suffit pas à contester, en dehors des guerres civiles qu’on porte chacun en vain, pour le moment en vain.


Le commandement des anciens despotismes était : « Tu ne dois pas. » Le commandement des totalitaires était : « Tu dois. » Notre commandement est : « Tu es. »

George Orwell, 1984


Les mots sont lâches à seulement dire, et nommer, à seulement vouloir approcher la lâcheté d’être de ce côté des choses où sont les mots. Seulement des appuis, les mots qui disent le côté des choses où n’est pas le monde, seulement des appuis pour lâcher les mots et se rendre du côté des choses, où la vie n’attend pas.


Le progrès dans notre monde sera le progrès vers plus de souffrance. l’ancienne civilisation prétendait être fondée sur l’amour et la justice. La notre est fondée sur la haine. Dans notre monde, il n’y aura pas d’autres émotions que la crainte, la rage, le triomphe et l’humiliation. Nous détruirons tout le reste, tout.

George Orwell, 1984


À l’heure de la mise aux baquets, le pouvoir donc s’est de nouveau institué : cette fois sans prendre la précaution de se vouloir de ce côté des fragiles ou du côté des forts, mais se disant de tous côtés, pour rendre introuvable son lieu et impossible de s’y affronter. Le pouvoir s’exerce, c’est sa nature, contre ceux sur qui il s’exerce. À regarder les affiches abandonnées des villes, ces jours, on lit ce qui nous attend : ces cadavres de vie qu’on nous prépare hâtivement, et contre lesquels il faudra plus que des mots pour en traverser la violence.

Le décor : une cellule de forteresse. […] Toute l’action se déroulera comme dans un rêve.

Jean Genet, Haute Surveillance


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