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De la lecture comme flux

samedi 12 décembre 2009


Notes jetées rapidement en revenant d’un débat « littérature et numérique », à l’Entrepôt.


On se pose devant le texte comme devant une machine — et ce qui passe entre, le corps et le langage, cette déflagration ou cette énergie, c’est seul ce qui importe.

Par le texte, on se branche à tout ce à quoi le texte est branché d’une part, et a été branché d’autre part : ce que l’écriture a opéré sur le monde, c’est à notre tour de l’éprouver.

Le sens n’est pas déposé par le texte, mais il est traversé par l’écriture ; ce qu’on retrouve, à la lire (cette écriture), c’est ce mouvement qui s’est arraché du monde pour s’en saisir. Et quand on la traverse, c’est alors qu’on le lit (le texte) seulement justifié par le moment où on s’en empare et qui s’en empare : et le fait exister — de la vie qui passe, rien d’autre que de la vie qui franchit par nous le seuil de résistance.

Le flux n’est pas arbitraire, aléatoire, programmé, dépossédé du corps (le flux n’est pas l’agencement du net) [pour moi], il existe au moment de la lecture, seulement : on se branche au texte, et au monde, comme l’écriture s’était branchée, dans son moment, à la pulsion du corps d’une part, à celle du monde d’autre part.

Ce qu’on saisit, entre : la vie circulant d’un côté par l’autre, quand on la lit, qu’on l’éprouve par différence de potentiel.

Ce qu’on va chercher : pas une explication du monde donnée, mais une force qui fait violence à l’appréhension du réel — qui redistribue les cartes du réel.

Qu’une lecture n’a de sens qu’écrite : que le geste de lire n’est pas séparable de celui d’écrire (d’écrire la lecture : et que cela ne passe pas forcément par un texte écrit : mais par la décharge qu’en retour le texte nous impose d’infliger au réel) : voilà qui définirait les seuls textes légitimes.

Le texte fonctionne ou non : et ce qui fonctionne, c’est l’élan qui pousse à affronter neuf les territoires qu’on pensait conquis ; on est de nouveau vivant, justifié par la vie que le texte nous a confiée.