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« aquarelle et gouache » | Revue D’Ici Là, n°2

février 2009


La Revue d’Ici là est un ouvrage collectif numérique publié et diffusé sur publie.net. Le travail éditorial et graphique est assuré par Pierre Ménard.

Chaque numéro porte sur une phrase qui sert d’incitations aux auteurs, plasticiens, poètes, et essayistes.

Pour le numéro 2 : "Mystérieux travail d’un écart qui s’imprime".

Le texte de présentation de la revue se trouve là,
et pour se procurer la revue, c’est ici.


« C’est l’écart devant lequel peut se penser la ressemblance en général, lorsque la ressemblance vient à produire de l’inassimilable. C’est l’écart devant lequel peut se penser le contact en général, lorsque le contact vient à produire de la distance. Tous ces paradoxes sont ceux de l’empreinte, en effet : formes et contre-formes ajointées dans le mystérieux travail d’un écart qui s’imprime. »

Georges Didi-Huberman, L’empreinte, Centre Georges Pompidou, 1997.


Impression sur fond noir délivre : encre tirée de la nuit même, et qui dessine lettres après lettres son avancée sur le temps encore. Typographie du contre-jour. Ombres du soir qui s’expriment depuis cette remontée de sève, s’attèlent au travail immense, essentiel, douloureux : nommer chaque chose, épeler lettres après lettres le temps avancée sur lui même, tirant à lui les ombres du soir, et dessinant la typographie des villes. Immensité de la tâche. Que ce qui s’écrit alors, ce n’est pas l’histoire racontée de cette remontée de sève, ombres du soir exprimées : voilà l’évidence. Mais qu’à mesure, lettres après lettres épelées, la main avance le temps (encore), nomme chaque chose, tire à elle les ombres du soir remontée comme de la sève : laisse s’établir les dessins recomposés du contre-jour : voilà le constat. Et l’intuition, celle-ci : que le geste qui veut dire annule toute parole, s’annule dans la nuit qu’on voulait prononcer et qui reprend dans sa gorge son dû. Mais c’est seulement écrivant en elle, qu’on va parlant sa langue propre, nommer : travail immense, essentiel, douloureux de tirer, d’extirper, d’exprimer en avant de soi ce qui va se recomposer sans cesse. Comme la gouache retient la forme voulue, obéit aux doigts et à l’œil qui la produisent : forme morte, ville éteinte. Et comme l’aquarelle opère par diffraction des eaux, par occupation insoupçonnée de l’espace, épousant au plus près les imperfections de la toile, goutte non plus dessinant sur le grain du papier, mais dessinée littéralement par ce grain : de même, écrire, parler. « Eau de l’aquarelle, aussi immense qu’un lac, eau, démon omnivore, rafleur d’îlots, faiseur de mirages, briseur de digues, débordeur de mondes… (…) réussite de l’instantané et progressif quiproquo, embrouillant absurdement mes traits d’abord sûrs, qui partent à la nage de tous côtés, entraînant mon sujet vers un flou qui ne cesse de se dilater, ou de déraper, surface de dissolution, de divergence, et de distorsion, en route vers une re-absurdité qui me laisse béant sur la rive. » (Michaux). La Gouache, mort de l’art : la volonté. Et dans l’Aquarelle : recomposition du monde à mesure que se décompose les forces qui voulait l’exprimer. Typographie progressive des villes. Lettres après lettres tirées depuis le temps exprimé par remontée de sève crachée ; encore. Encre d’eau délivrée à mesure, nomme chaque chose, ombres attelées au travail. Contre-jour démarqué, écarté de l’évidence. Malentendu essentiel. Sur fond noir : impressions qui délivrent.