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Saint-Just & des poussières | le livre

mercredi 18 août 2021

Paraît demain ce récit, presque dix ans après les premiers mots, Saint-Just & des poussières, aux éditions de l’Arbre Vengeur.

Longtemps, sur le mur devant moi, au-dessus de la table de travail, une page arrachée des œuvres complètes de Saint-Just, et la photo d’un buste, apocryphe, où le regard perdu de Saint-Just pose des yeux vides et songeurs.

Écrire une vie de Saint-Just, pas à pas, de l’enfance picarde au front de l’est, des ambitions littéraires aux rêves de légiférer sur le bonheur, des fugues adolescentes au terrible été de la Grande Terreur, ce n’était pas seulement reconstituer le bref destin d’un homme, fauché à 26 ans et dont la vie et la mort furent scellées dans l’amitié avec Robespierre jusque sur l’échafaud. C’était plutôt vouloir en prolonger l’énigme. C’est cette énigme qui compose cette vie au moins autant que les faits accomplis, comme la compose ce qu’on a fait de cette vie, après sa mort : source d’une adoration dévotieuse autant que d’une haine farouche et tenace vouée à l’âme damnée de la Révolution. On lui a prêté la beauté d’ange et la noirceur violente de l’Archange. Il fut tout aussi bien le procureur de la royauté que l’accusateur intraitable de Danton, le pourfendeur des injustices et la lame glacée du Comité du Salut Public, auquel il donna langue, une langue insolente et tragique, trempée dans le lyrisme d’une époque dont il est peut-être l’exécuteur testamentaire.

Mais Saint-Just n’est pas qu’une figure historique, il est ce nom qui soulève à lui et contre lui les forces – toutes les forces, et d’où qu’elles viennent – quand on voudrait observer la Révolution et son héritage.

Écrire cette vie donc, c’était renoncer à la reconstitution des lieux du crime, mais raconter l’histoire que l’Histoire ne raconte pas. Suivre les pas du Conventionnel jusqu’à nous, par-delà l’imagerie atroce ou sainte, c’était approcher les contours de son ombre étendue jusqu’à nous : nommer la vie qui aurait voulu l’inventer. La Révolution n’est pas un moment historique. Mais une tâche visant à rendre possible l’Histoire.

Comme la poussière qu’on emporte chez soi après une longue marche, ou comme celle qui dort dans les fosses communes près des Batignolles où les restes de Saint-Just reposent et n’attendent qu’un peu de braises pour s’éveiller, ce récit aura été conduit dans ce désir : écrire cette Histoire, ce n’est pas rapporter les faits comme ils ont eu lieu, mais s’emparer d’un souvenir tel qu’il surgit à l’instant du danger.

Puisque ceux qui ont tranché le corps de Saint-Just nous gouvernent encore aujourd’hui, il restait à regarder longuement dans la terre la poussière de son corps, et à souffler sur elle.