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Face à la ville | le grand saut

D’ici, la ville est de l’autre côté de la mer

dimanche 19 septembre 2021

D’ici, la ville est de l’autre côté de la mer : c’est toujours une image troublante. On rejoint Niolon depuis la ville, par la route, et quand on se retrouve, on est comme sur une île : face à elle, oui, dressée lentement par-dessus les dernières vagues qui meurent contre elle depuis toujours.

Quelques jours avant septembre, se retrouver là comme pour le grand saut : seulement, les jeunes garçons sont là pour cela, et pas seulement pour sa métaphore. Ils sauteront, ce n’est pas vraiment une question pour eux. La mer est presque chaude. Ils sautent pour se prouver qu’ils le peuvent ; par défi ; par ennui, pour rien.

L’image lève une autre image derrière elle : le large n’a aussi de sens que dans la profondeur ; le froid est une croyance ; la ville est l’arrière-plan qui donne aux choses leur certitude. Toutes ces images disparaissent dans une autre : celle de jeunes garçons plongeant, infiniment en bas d’eux-mêmes. Il n’y a rien à comprendre, à saisir ; je tâche de trouver un sens accordé à mes obsessions, à ce qui plonge en moi, à ce vers quoi je plonge ou au vertige qui m’en empêche : et il n’y a rien.

Je garde ces images dans un dossier à l’écran attendant le moment propice d’en faire un sort : et ce sont elles qui attendent encore aujourd’hui ; souveraines pourtant quand je les regarde ce soir, dépourvues de sens, et plus encore qu’alors, insensées, insignifiantes. Le secret que j’ai cru lire n’y est pas, ou est-il englouti avec leurs cris ? Je les dépose ici pour m’en défaire définitivement : ce pourrait être d’autres images d’ailleurs ; je possède plusieurs dizaines de dossiers ainsi, remplies d’images lourds du chiffre de mon existence : ciels, arbres, vagues, reflets de reflets – et dont je dois apprendre peu à peu, jusqu’à la fin, à ne lire que des ciels, des arbres, des vagues et des reflets : mais je n’y parviens pas.



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