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Toussaint & Bourrion | Chemins

dimanche 23 mai 2010


Sixième texte dans la collection Arts et Portfolio de Publienet que je coordonne avec Jérémy Liron : à voir sur le site de Publie.net - pour s’abonner ou pour vous procurer l’ouvrage (numérique).
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Chemins, Daniel Bourrion, Olivier Toussaint.
PDF29 pages.
ISBN 978-2-8145-0323-6.
Les 10 premières pages à feuilleter librement ci-dessus.
Téléchargement texte intégral 5,99 euros


Le chemin est depuis si longtemps une image de l’écriture qu’elle s’efface souvent sous le prétexte qui l’a fait naître : mais lorsque des auteurs s’emparent littéralement de ce mot pour en faire une forme même de la narration ou de l’incantation, et c’est en retour tout ce qui fonde le chemin comme écriture qui renouvelle notre perception du geste même de nommer, de raconter ; ce mouvement d’appel au monde dans le geste qui voudrait s’en approprier la distance et ce qui la réduit : l’approche du réel.

Chez Gracq, Simon, Michaux, pour citer des désirs radicalement différents de se constituer en cette image, le chemin est convoqué dans sa force de propulsion, en-avant décisif qui emporte : au-devant le monde avalé par la route sous le pas. Sans doute y-a-t-il, dans cette image, le dépôt du vieux mot de vers — le versus, sillon sur lequel passer et repasser ; et en lui interroger ce mystère où le creuset vertical du sol se fait dans l’avancée horizontale du monde.

Chez le photographe Olivier Toussaint, dans les montagnes qu’il arpente, le chemin surgit en ligne de crête, se fraie comme des rides sous la main, sans logique véritable, sans direction sûre : seulement dans le tracé qu’on devine, c’est toute la possibilité d’un horizon ou du sens qui se déploie, difficilement, menacée par l’effacement de tout un paysage — âpreté du chemin seulement dessiné par les marcheurs, et parfois, dans l’abstraction de la photographie qui se pose sur un détail, c’est la pierre même qui se change en chemin, la nature sauvage qui oriente le regard.

Quand s’en saisit Daniel Bourrion, qui travaille sur son site Terres une langue elle-même élaborée en route (et sur son site, on peut d’ailleurs lire les textes comme ils ont été écrits, avec retours, corrections, lettre après lettre, à l’avancée qui la produit), c’est naturel que la photographie et le chemin sont appréhendés d’un seul mouvement, de quelques mots jetés comme la jambe sur la pente. L’articulation de l’écriture et de l’image se situerait bien dans cette tension : se frayer une voie entre deux espaces immenses de solitudes sur un chemin qui en serait à la fois le terme de séparation et ce qui les relie, à gauche et à droite : et au-devant de soi, toute une fin des choses qui s’élancent et qu’on ne cesse pas de ne jamais rejoindre.

Arnaud Maïsetti


Olivier Toussaint est né en 1969 à Strasbourg. A l’issue des l’école des Gobelins (photographie), il travaille dans l’image publicitaire puis gère un gîte de montagne avant de partir explorer le monde en voilier durant une année pour réaliser le documentaire « Des milles et des sens ». Revenu sur la terre ferme, il se consacre à présent exclusivement à la photographie.
- le suivre sur son site.

Né en 1967 en Lorraine, Daniel Bourrion a publié en revues, en recueils, par actions et par omissions. Après les publications d’Une paupière à la fenêtre aux éditions de l’Estocade en 1998, Pose(s) Café, réalisé en collaboration avec Olivier Toussaint et Jean-Christophe Diedrich en 2000, Répons co-écrit avec le poète Saïd Dib pour les éditions de la Dragonne en 2003, ou encore Chemins du vagabond publié aux éditions de l’Arbre en 2004, il migre actuellement vers le tout-numérique et, entre autres, assure une permanence sur le Net par ses Terres… qu’il conçoit comme un atelier à ciel ouvert. Ses derniers textes longs (Incipit, 2008 et En ce soir, 2009) sont disponibles sur publie.net.