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Kafka | La Nuit (variation autours de)

vendredi 29 octobre 2010


nuit
nf (nui ; le t se lie : travailler nui-t et jour, une nui-t obscure ; au pluriel, l’s se lie : des nui-z obscures)


Images prises au pied du Panthéon — cet automne, après la pluie.
Et lire ce soir, prenant une page au hasard des Récits posthumes et fragments de Kafka réunis, publiés et traduits par Catherine Billmann pour Actes Sud/Babel, ce court récit appelé ’La Nuit’.

Texte entrelacé ici de la simple définition donnée par Littré : entre, donc, j’y glisse les images de cette nuit précise qui pourrait valoir pour une autre tout aussi bien que celle-ci : et j’observe ce qui se produit.

Peut-être que dans ces trois tentatives qui ont nom nuit se donnent la triple formulation de la nuit même — marchant dans la nuit, son espace et son temps, on pourrait aussi la nommer en l’écrivant, en la lisant, en enregistrant la lumière qu’elle consent de donner.

On pourrait aussi lui résister — telle est l’évidence de la nuit : qu’elle n’existe que pour ceux qui lui résistent, qui ne lui succombent pas, qui peuvent la regarder dans les yeux et la dire.

De nommer la nuit, ce serait cela, la tâche — pour tout texte, nommer ce qui se refuse à toute articulation. Et nommant la nuit, le reste viendrait par contamination se dire ? [1]

Veille, le seul mot d’ordre qui puisse avoir un sens ; le seul qui détermine les autres. Veille, tu n’y trouveras ni repos ni réconfort — veille, peut-être tu sauras le dire un jour, un jour peut-être, le nom de la nuit.


Abîmé dans la nuit. Comme on laisse parfois retomber sa tête pour réfléchir, être de la même façon entièrement abîmé dans la nuit. Alentour, les hommes dorment.

1° L’espace de temps qui suit le crépuscule du soir, jusqu’au crépuscule du matin.
_Il fait nuit. Il se fait nuit. À nuit tombante.
_La nuit, pendant la nuit ; cette nuit, la nuit qui va venir ou qui vient de s’écouler.
Fig. Je ne m’en relèverai pas la nuit, c’est-à-dire c’est une chose dont je ne me soucie guère.
_Nuit close, nuit fermée, le moment où la nuit est devenue complète.
_Oiseaux de nuit, les oiseaux de proie que le jour incommode et qui chassent à la tombée de la nuit.
_La nuit tombe tout à coup, c’est-à-dire le crépuscule ne dure guère.
_Se mettre à la nuit, s’exposer à être surpris par la nuit.
_Bon soir et bonne nuit, ou je vous souhaite une bonne nuit, se dit en prenant congé, le soir, des personnes avec qui l’on vit en familiarité.
_Nuit blanche, nuit passée dans l’insomnie.
_Une bonne nuit, une nuit pendant laquelle on dort bien dans son lit. Passer une bonne nuit. Une mauvaise nuit, une nuit pendant laquelle on ne dort pas, en raison de souffrances physiques ou morales. Passer une mauvaise nuit. On dit dans le même sens : bien passer, mal passer la nuit.
_On dit d’un malade : Comment a-t-il passé la nuit ? c’est-à-dire a-t-il eu une bonne, une mauvaise nuit ? Ce malade ne passera pas la nuit, c’est-à-dire il mourra dans la nuit.
_Passer la nuit à étudier, à jouer, à danser, à boire, etc. étudier, jouer, etc. pendant toute la nuit. Absolument. Passer la nuit, veiller hors de son lit.
_Il y a autant à dire que du jour à la nuit, c’est-à-dire la différence est extrême.
_Il ne dort pas toute la nuit, se dit d’un homme qui a du souci, des affaires qui le font veiller.
_Nuit sacrée, dans les dates des manuscrits, la veille de Pâques.
_Fig. Faire un trou à la nuit.

Une petite mise en scène, l’illusion, dont ils se bercent eux-mêmes innocemment, qu’ils dorment dans des maisons, dans des lits en dur, sous un toit en dur, étendus ou recroquevillés sur des matelas, entre des draps, sous des couvertures ; en réalité, ils se sont tous retrouvés tels qu’un jour, jadis, et tels que par la suite, dans une région désertique, un campement à la belle étoile, une multitude d’hommes à l’infini, une armée, un peuple, sous un ciel froid sur une terre froide, jetés sur le sol là où l’on se tenait auparavant debout, le front posé sur le bras, le visage tourné vers le sol, le souffle paisible.

2° Dans le langage poétique ou élevé. Les feux de la nuit, les étoiles.
_Les voiles de la nuit, l’obscurité de la nuit.

3° Bonnet de nuit, coiffure de nuit, bonnet, linge dont on se couvre la tête pour dormir.
Familièrement. Triste comme un bonnet de nuit, très triste, très sombre.

4° Terme de peinture. Effet de nuit, scène où l’on ne voit point d’autres clairs ni d’autres reflets que ceux qui paraissent venir de la lueur de la lune, d’une bougie, d’une lampe, ou d’une lanterne.
_Une nuit, un tableau qui représente un effet de nuit. Une nuit du Corrége.

5° Terme de mythologie. Déesse qui préside à la nuit, et qui était figurée avec un voile semé d’étoiles, portée sur un char et traînée par des chevaux noirs (on met une majuscule).

6° Fig. Les faveurs d’une femme.

7° Nuit d’un cheval, en termes d’auberge, le foin, la paille qu’on lui donne pendant la nuit.
_Terme de vénerie. Faire sa nuit dans un lieu, y repaître, s’y reposer, en parlant d’un animal.
_Défaire la nuit d’une bête, la rencontrer dans l’endroit où elle a fait sa nuit.

Et toi tu veilles, tu es l’un des veilleurs, tu repères le suivant en agitant le brandon tiré du fagot, près de toi. Pourquoi veilles-tu ? Il faut que quelqu’un veille, dit-on.

8° Une obscurité quelconque.
Fig. La nuit des temps, les temps reculés dont les traditions sont effacées.

9° La nuit du tombeau, ou des tombeaux, la nuit du cercueil, la nuit éternelle, la nuit infernale, c’est-à-dire la mort, le séjour de la mort.
_On dit dans le même sens : nuit sans matin, nuit sans réveil, nuit noire.
_L’éternelle nuit, se dit aussi de la damnation éternelle.

10° Fig. Obscurité qui, par une cause interne, physique ou morale, se répand sur la vue.

11° Fig. Ténèbres de l’esprit ou du coeur.
_La nuit de l’ignorance, se dit des époques ou des pays privés de connaissances, de lumières.

12° Fig. Ce qui cache, enveloppe comme ferait la nuit.

13° De nuit, loc. adv. Pendant la nuit.

Il faut que quelqu’un soit là.

14° Nuit et jour, ou jour et nuit, loc. adv. Sans cesse.
_Ni jour ni nuit : jamais.


[1_« Dès lors et pour un temps, cette tristesse dont on parlera eut un nom propre, celui de l’homme dont la nuit, là, tout Babylone devinait, sans oser le regarder carrément, sous l’arbre, le corps recroquevillé ; et, avec leur goût baroque pour les majuscules, ils nommèrent aussi la nuit elle-même : la Nuit triste ; et encore, le tilleul au milieu du boulevard : l’Arbre de la Nuit triste ; et ainsi de suite. » Koltès, Prologue.