arnaud maïsetti | carnets

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adresse #10 | à la fin

dimanche 7 novembre 2010


Qu’importe que j’aie les yeux fermés, que je sois étendu dans mon lit défait seul, que derrière moi le mur de la chambre continue d’être debout et que partout le jour descende, qu’importe le silence gonflé dehors, et le corps mort, comme un bras tenu longuement sous soi, pris de fourmillement : je suis déjà plus mort encore, j’ai les yeux tournés entièrement sur le passage des mots sur toi quand tu sauras les lire, que le doigt suivra dans le noir chaque lettre pour mieux dire ce que je ne saurai dire maintenant que je suis allongé, épuisé, mort.

Qu’est-ce qui est mort en soi, quand tous les mots dits, tordus dans tous les sens pour entrer dans une seule phrase (formée de plusieurs) : dans une seule âme et un seul corps ? Tu ne te le demandes pas, tu grognes, repousse la possibilité que le monde ait pu se trouver nommé, et découvert — et recouvert de tous les mots ainsi dits.

C’est dans le corps à corps, non pas que l’un ait pris le dessus sur l’autre — je te dis : et tu le comprends —, c’est lorsque les deux corps à l’unisson penchés l’un sur l’autre et cherchant de la bouche et des mains de quoi mordre des mains et des lèvres, à l’unisson s’achèvent l’un par l’autre dans la décharge qui les laissera, l’un après l’autre, réalisés et niés — tu le vois, j’ai autour de moi de l’encre sur les mains, l’empreinte de cette nuit passée à essayer de la traverser, sur la pulpe des doigts la trace des touches qui marquent.

Peu importe — que tu sois là ou non, que tu viennes ensuite auprès de moi me déchirer à nouveau le désir qu’il me reste, il ne m’en reste que pour toi, qui ne viendras pas : et dehors le vent a continué, le mur est resté droit, et tu ne peux plus faire de moi un mort, c’est fini.

Tu t’es servi un verre de vin et tu as bu au petit matin pour te souvenir.