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porte battante

mardi 14 décembre 2010


Time and Space (The Cinematic Orchestra, ’Ma Fleur’, 2007)


Cette habitude que nous avions de n’aller jamais vers les deux côtés un même jour […] les enfermait pour ainsi dire loin l’un de l’autre, inconnaissables l’un à l’autre, dans les vases clos et sans communication entre eux d’après-midi différents.

Marcel Proust (À la recherche du temps perdu)


Peut-être que mon année n’aura pas rejoint sa rive — je déteste les bilans, n’en ferai pas, mais au moment de prendre ce train (le dernier du semestre), impossible de ne pas ressortir la pile de billets que je conserve, et les tenant à pleine main, peser le poids de cette année ne m’aura fait éprouver que du temps en moins : ne jamais thésauriser, c’est une manière de marcher, une façon de trouver le rythme de son pas et de chercher les endroits où le poser : les passages que disent les billets de train ne racontent pas cela, seulement des trajets passés.

Ces dernières semaines, il y a eu comme une accélération — les tâches sociales, toujours aussi insensées (n’en comprends aucune), et toutes ces choses laissées en cours jusqu’à ce que le cours me rattrape : affaires courantes devenues urgentes. Mais en laissant le temps passer sans l’écrire, je n’en garderai que son précipice le plus tenace : c’est bien. Les rues d’Avignon, les récits qu’elles racontent, les froids, les insomnies, les lectures qui demeurent, celles dont je ne garde que l’oubli, et la musique derrière tout cela qui fait avancer le temps. Il faudra l’écrire. Demain, pas aujourd’hui.

Ce doit être le contrecoup de cette moitié d’année soudain retombée, ou peut-être est-ce seulement de s’être réveillé trois matins de suite avant cinq heures du matin — fatigue immense comme la ville que j’ai dû remonter et redescendre six fois en deux jours, de sorte que, arrivé au bout d’elle, je m’écroule. Mais j’aurais pu faire un mètre de plus, s’il l’avait fallu.

Alors moi, au milieu ? Semaines en porte battante : me demande ce que je serai, de la porte ou du courant d’air qui la pousse. Du type qui essaie de franchir, qui attend le bon moment pour. Qui va s’élancer. Qui est sur le point de s’élancer. M’intéresse de moins en moins les projets, seul le geste : celui qui entraîne. L’hébergeur du site me demande si je veux renouveler : je dis oui. Je n’accumule pas cependant, juste besoin de fixer ces états de présent qui disent le mouvement.