arnaud maïsetti | carnets

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de la plus haute tour

vendredi 21 août 2009

De la plus haute tour, on se tiendrait au-dessus du vent : on ne verrait de son ombre qu’une petite tache de sueur enfoncée dans le sol ; on serait là en bonne place pour le regret — de là, le sol paraît si loin et le ciel possible : la chute si désirable qu’il suffit de se pencher pour voir son corps tomber.

Oisive jeunesse 

A tout asservie,

De la plus haute tour où je suis (chaque ville fait une place dans ses périphéries un peu honteuses à la plus haute tour : je ne mets jamais longtemps à la trouver), d’où je crache sur mon ombre tant que je peux pour conjurer la chute, je ne vois rien de la plaine au-loin, rien de la ville : qu’une étendue de terre aussi semblable qu’une autre étendue de terre — sur elle dansent un peu les ombres qui se lassent vite et s’effacent ; dans la nuit, on perd son ombre au pied de la tour : elle paraît aussi grande que l’ombre effacée de la tour, celle de la ville. Ce qu’on perd avec son ombre dans la nuit, c’est la mesure de la chute : dix mètres, cent mètres, c’est le même gouffre noir qu’on interroge.

Par délicatesse

J’ai perdu ma vie.

De la plus haute tour désormais (c’est le seul le lieu où le regret se dit, où désormais est possible : le seul lieu détaché des lieux ; il n’y a de la place que pour un seul homme, une solitude érigée en espace de veille, d’où la ville est trop basse pour être veillée), ce à quoi je rêve : les distances abolies, les crevasses sans bord, les chutes qu’on ferait au fond de soi, le sol qui s’éloignerait dans la chute, le sol qui s’effacerait à mesure que les yeux ouverts dans la vitesse on approcherait de son ombre sans jamais l’atteindre.

Ah ! Que le temps vienne 

Où les coeurs s’éprennent.