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pas même la pluie

lundi 10 janvier 2011



Lonesome Road Blues (Old Crow Medicine Show)



Il passe de l’eau sur son visage
Et la laisse sécher
L’eau se relève comme un voile léger
Comme un visage qui disparaît fragment après fragment

Que d’absence

Abbas Beydoun (Tombe de verre, trad. Bernard Noël, 2007)


Je me retournerais bien, si j’avais le corps pour cela, et ce que je verrais de la route dessinée par mes pas aura comme le tracé donné par un homme jeune encore, qui ne sait pas son âge, et qui se perd, et qui ouvre les yeux.

Maintenant je sais que la route est ce mouvement, et son désir dans l’allure donnée ; une jeune fille passe — qui se dit : jusqu’où s’arrêter ? Et assis quelque part, je verrai son visage et ses mains, et pas même la pluie ne possède de mains plus petites ; je verrai partir ses mains emporter quelque chose en elles, de plus précieux que mon passé, de plus dur et de plus inutile que mon passé.

Peut-être que je suis sur le point de rentrer, je me dis : dans les rêves, les rues sont toujours vides, on ne demande jamais son chemin, le chemin est le temps même du rêve. Peut-être que dans ses mains, il y avait autre chose que cela. Des manières de violence pour supporter la réalité, des façons de faire violence à la ligne droite des routes, pour seulement pouvoir avoir la force de ne plus la supporter, et de laisser derrière la route, sa fatigue, l’année perdue comme une nuit à ne plus savoir la rêver.

Lorsque la pluie viendra, c’est pour laver tout cela, qu’il ne reste rien. Rien : que la trace de sa main sur la vitre à travers laquelle voir ce qui passe, ce qui bouge encore ; y reconnaître mon propre corps allant, rêvant un peu d’aller, de se perdre sur les routes qui portent son nom.


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