Atelier tiers livre #CARNETS | Automne 2022
Propositions d'écriture par François Bon
Vendredi 9 décembre • Faits divers, tout petit faits divers
C’est dans notre premier parcours en 40 jours, début de l’été dernier, qu’on a déjà abordé le fait divers, mais en le détournant : chercher sur Tiers Livre « le visiteur du lendemain », à partir du travail du photographe Bruno Serralongue quand, plusieurs mois de suite, il se rendait le lendemain sur les lieux d’un fait divers repéré par Nice Matin, et en photographiait la trace, ou l’absence de trace –– tranchée verticale à même le quotidien le plus ordinaire. Pas de morale, ni même de tragique, mais rien que ce petit grain de destin sans quoi on ne serait pas, et que ça tombe là, juste à côté ou en plein sur vous, aujourd’hui pour écrire on s’occupera plutôt du juste à côté. Il ne s’est rien passé ? Ouvrez le quotidien local. Longtemps que vous ne lisez plus le quotidien local ? Je suis sûr qu’ils ont un site Internet, et que la plupart d’entre eux laissent un ou plusieurs articles en lecture libre. Vous habitez une trop grande ville pour n’avoir affaire qu’aux journaux nationaux ? La chance, s’exclameraient certains ! Mais là où sont vos ancrages familiaux, là où vous allez en vacances, il n’y a pas de quotidien local à feuilleter en ligne ? Les chiens écrasés ont toujours eu leur espace de reconnaissance sociale, et puis après tout débrouillez-vous. C’est du presque rien, peut-être. C’est du tous les jours, peut-être. C’est trois lignes dans le journal du coin, peut-être. Ou bien juste on vous l’a rapporté, et nulle archive collective qui en fasse trace, peut-être. C’est de la tôle froissée ou une cheville en l’air, une menace ou même rien qu’une incivilité ou des cris dans l’escalier, peut-être. Peut-être que la bonne définition, ou ce qui nous intéresserait ici, c’est comment le monde n’arrête pas de tourner pour autant, que tout reste identique à l’habitude à quelques mètres de distance, mais que pour les personnes concernées il y a brisure ou rupture. Il s’agit aussi de la documentation en elle-même : non pas ce qui s’est passé la semaine dernière (et nous a ému, ou juste parce qu’on y repense) mais l’énoncé de ce qu’on peut retrouver comme s’étant passé la journée d’hier. C’est cette contrainte de réel qui va donner hauteur et résonance à nos textes. Ce serait si facile d’imaginer, et personne n’ira vérifier. Mais justement, c’est en quoi la réalité en chaque fait divers est un déni à ce qu’on souhaite d’elle, qui va faire de nos textes une diction humble mais implacable du monde, assemblage d’autant de timbres-poste. L’impossibilité d’écarter cela du bras, justement parce que cela fut, et que c’était ce jour-même. On raconte ? Non, on énonce. Non pas 500 signes, mais 480 maximum. Aujourd’hui on ne déborde pas. Ce travail de transparence intérieur, pour la limitation de l’espace-page. Je compte sur vous !