Atelier tiers livre #CARNETS | Automne 2022

Propositions d'écriture par François Bon



Lundi 14 novembre • ciel du lundi

On a déjà travaillé spécifiquement en atelier d’écriture sur les ciels, les nuages ? On sait les retrouver dans notre bibliothèque, romans ou poésie ? Certes. Mais la notation : combien on en voit, de ces ciels du matin, ciels du soir, arrangements de nuages dans un aperçu d’avant orage ou d’après pluie, sur la route, à sa fenêtre, ou dans la brève attente pour traverser à un carrefour urbain ? Ce qui change ici, c’est même peut-être moins le ciel que de se mettre en éveil, en attente. Si vous faîtes cet exercice cinq fois, au cours de la journée, entre le moment de la lecture de cette page et celui de l’envoi de votre contribution unique, et choisie pour sa surprise, ou la singularité de ce qui se joue dans sa syntaxe, voire en quelques mots ou un seul, un constat intérieur, un ciel dans sa tête, en accumuler l’inventaire des cinq notes dans votre journal personnel. Mais c’est un exercice d’attente, pas possible de l’effectuer rétrospectivement pour la journée écoulée. Pour ça qu’on le fait un lundi. Journée morose, la routine réouverte de la semaine et des contraintes : mais forcément un coin de ciel qui échappe. Ciel pauvre, maussade, fugace. Ou bien pas eu beaucoup de ciel dans notre brève journée d’hiver ? Mais cela vaut pour le ciel de nuit (un autre paramètre qu’on dépliera), ce halo de brouillard autour de la pleine lune avant-hier, toute basse et pâle dans le ciel encore du soir, ou pour l’aperçu pluie depuis le Velux, voire la fenêtre dépolie d’un couloir dans le lieu de travail, ou l’enclavure au-dessus de la cour. S’il s’agit de noter ce ciel avec des mots non pas en se souvenant de la journée écoulée, ou du si beau coucher de soleil de la semaine dernière, possible de la préparer en amont : prendre quelques minutes pour retrouver les occurrences du mot ciel dans Baudelaire ou Rimbaud, vos fichiers numériques suffiront (ils sont dispo dans les ressources Patreon). Je préfère un ciel invisiblement et artificiellement construit par détournement d’Apollinaire, Bataille ou Cendrars, qu’un ciel souvenir, qui sne sera qu’une phrase de sable. Est-il possible, si vous ne prenez qu’une seule de ces notations de ciel, de ne pas attendre pour la transcrire, ou le moment d’envoi de votre contribution, mais plutôt s’arrêter quelques secondes et le noter à l’instant même ? Et, dans votre journal personnel, si vous le photographiez d’un coup de téléphone, ce ciel, est-ce le même que ce qu’en dit la phrase ? Qu’est-ce que le langage transforme, et même invente ? Qu’y a-t-il de provisoire ou d’éphémère dans cette phrase que vous allez envoyer ? C’est d’attendre que la conjonction du réel vous offre la phrase, qui est l’enjeu de cet exercice. On ne lira plus les ciels de la même façon ensuite.