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Naná Vasconcelos | Battre les eaux
vendredi 11 mars 2016
Naná Vasconcelos est mort, dit-on. Ce n’est pas vrai. L’homme qui s’est éteint le neuf mars s’appelait Juvenal de Hollanda Vasconcelos. Les battements de Naná Vasconcelos se prolongent.
Il aura traversé cette vie en frappant sur tout ce qui ne bougeait pas. Sur des tambours de toutes sortes qui portent des noms comme seuls les musiciens savent en inventer. Les peaux de bêtes ne suffisent pas, pour eux, alors ils cherchent ailleurs. Le Berimbau, par exemple. Un arc sans flèche venu avec les esclaves au Brésil : un arc qui fait vibrer l’air autour de lui pour ceux qui connaissent les secrets de l’air. La Capœira des percussionnistes.
Mais puisque ni la peau ni le bois ne suffisent pour faire entendre l’air, Naná Vasconcelos aura cherché toute cette vie de nouvelles parois sur lesquels porter les mains comme dans le noir on avance, bras tendus, yeux fermés, pour conquérir des espaces neufs.
Par exemple, son corps. Naná Vasconcelos aura frappé sur son corps toute sa vie pour faire entendre l’air autour de lui et en lui, sur tous les continents du monde, qui ne suffisaient pas.
En 1970, à Paris, Vieille Europe, l’homme de Recife, Brésil, nomme son premier enregistrement Africa Deus. Il le jouera à New York. Il nommera son second album : Amazonas.
La peau, le bois, le corps ne suffiront pas longtemps pour approcher les vibrations secrètes de l’air qui les déplacent et s’enfoncent dans l’homme.
En 2011, il se plonge nu dans l’océan qu’il frappe à mains nues. Cela s’appelle
Batuque nas Águas.
Battre la mer pour parler en elle ou trouver la langue des vagues. Dans le rythme insensé des gouttes d’eau, entendre le langage des éléments.
Juvenal de Hollanda Vasconcelos est mort, ce neuf mars dans la ville qui l’a vu naître, à Recife – fondée par les juifs hollandais (dont il porte le nom) dans l’utopie d’un monde qui voulait recommencer. La mer continue de battre chaque seconde sur le Brésil le rythme qu’il aura prolongé.