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André Breton | « Magique-circonstancielle »
la beauté convulsive
vendredi 9 août 2013
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Le 10 avril 1934, en pleine occultation de Vénus par la lune (ce phénomène ne devait se produire qu’une seule fois dans l’année), je déjeunais dans un petit restaurant situé assez désagréablement à côté d’un cimetière. Il faut, pour s’y rendre, passer sans enthousiasme devant plusieurs étalages de fleurs. Mais j’observais, n’ayant rien de mieux à faire, la vie charmante de ce lieu. Le soir le patron « qui fait cuisine » regagne son domicile à motocyclette. Les ouvriers semblent faire honneur à la nourriture. Le plongeur, vraiment très beau, d’aspect très intelligent, discute de choses apparemment sérieuses avec les clients. La servante est assez jolie : poétique plutôt.
Le 10 avril 1934, elle portait, sur un col blanc à pois espacés rouge fort en harmonie avec sa robe noire une très fine chaîne retenant trois gouttes claires, gouttes rondes sur lesquelles se détachait à la base un croissant de même substance pareillement serti. J’appréciai une fois de plus, infiniment, la coïncidence de ce bijou et de cette éclipse. Comme je cherchais à situer cette jeune femme, en la circonstance si bien inspirée, la voix du plongeur : « Ici, l’Ondine » et la réponse exquise, enfantine, à peine soupirée, parfaite : « Ah ! Oui, on le fait ici, l’on dîne ! » Est-il plus touchante scène ? Je me le demandais hier encore, en écoutant les artistes de l’atelier massacrer une pièce de John Ford.
La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas.