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Jean-Claude Izzo | « Larmes, et pierres sur pierres, les ruines s’érigent »
Braises de la mémoire, IV
lundi 5 novembre 2018
La ville tombait en ruines ; pendant ce temps, elle monte un mur à la Plaine pour empêcher ses habitants de défendre le lieu où ils vivent. Il y a quelques mois, c’étaient d’autres ruines, à la Corderie, de véritables ruines et vénérables, qu’on ensevelissait sous les parkings. Ce matin, des hommes et des femmes ont vu sur eux tomber les ruines de la ville, la ville en ruines, Marseille.
Quand une ville ne sait plus faire tenir droit ses murs, ceux qui s’en disent les maîtres peuvent-ils encore se trouver digne de la gouverner en notre nom ? On dit qu’un léger mouvement de terrain ce samedi aurait provoqué la chute de deux immeubles. Quand la terre se déplace légèrement, c’est la ville qui se change en ruines ?
Ce soir, lire plutôt le nom de Jean-Claude Izzo, et ce qu’il fait dire à la ville, à la terre : la ville, ce n’est pas la ruine qui la constitue, ni les pouvoirs qui la dominent en maître-chiens et commerçants, ce serait plutôt ceux qui la peuplent.
Oui, lire la ville dans sa dignité d’être debout encore, malgré tout.
Gisent les hommes dans les villages défaits.
Cimetières.
Aux fenêtres des maisons tombent les pierres d’angle.
Larmes.
Larmes, et pierres sur pierres, les ruines s’érigent.
Cri – trou que font mes lèvres dans l’opacité bleue pour rompre le silence, pour rendre la parole à ces heurs dans le plain-chant du soleil. Et les coquelicots enfin rendus à leur éphémère splendeur.
Terre.
Là.