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Saint-Jean-de-La-Croix | « Mais c’est au profond de la nuit »

dimanche 20 novembre 2011


Saint-Jean-de-La-Croix, La Nuit obscure



Je sais une source qui jaillit et s’écoule,
Mais c’est au profond de la nuit.

Cette source éternelle, elle reste cachée ;
Mais je n’ignore pas d’où elle prend naissance,
Et c’est au profond de la nuit...

En la nuit obscure qu’on appelle la vie
Je connais par la foi
Sa veine fraîche et pure
Mais c’est au profond de la nuit

Je sais, à vrai dire, qu’elle est sans origine,
Tout en elle pourtant va plonger sa racine,
Mais c’est au profond de la nuit.

Jamais il ne sera de beauté qui l’égale,
Le ciel, l’univers vont s’y désaltérer,
Mais c’est au profond de la nuit.

Elle est, je le sais bien, tout à fait insondable,
Et, je le sais aussi, elle n’est pas guéable,
Pas même au profond de la nuit.

Jamais son bel éclat ne pourra s’obscurcir ;
Toute lumière aussi d’elle seule jaillit,
Mais c’est au profond de la nuit.

Je sais bien que ses flots sans cesse débordants
Arrosent l’abîme, la terre et tous les peuples,
Mais c’est au profond de la nuit.

Or il est un courant qui naît de cette source,
Aussi large et puissant que la source elle-même,
Mais c’est au profond de la nuit.

Des deux premiers courants, un troisième procède ;
Il n’est pas moins ancien que ceux qui l’ont produit,
Mais c’est au profond de la nuit.

Je sais que tous les trois sont une seule eau vive,
Et que l’un de l’autre vont dérivant sans cesse,
Mais c’est au profond de la nuit.

Cette source éternelle est toute rassemblée
En notre pain vivant pour nous donner la vie,
Mais c’est au profond de la vie...

Cette source d’eau vive, objet de mes désirs,
En ce vrai pain de vie je la vois, la contemple,
Mais c’est au profond de la nuit.