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Les Tombeaux… | Présentation

jeudi 27 décembre 2012


Les Tombeaux sont appelés des Solitudes, théâtre.


Lecture publique au Théâtre National de Strasbourg au printemps 2013.
Présentation de la pièce


C’est un terrain vague comme on en trouve à la sortie des villes. Il y a le bruit du fleuve, l’ombre d’un arbre mort depuis si longtemps, et le vent.

Un homme est là, seul, qui attend. C’est l’Exacteur.

On vient.

Il y a tant de raisons de venir ici. On s’est perdu, ou on cherche à fuir, on voudrait retrouver le lieu de l’enfance, ou simplement par hasard, par fatalité, parce qu’il y a des trous dans le ciel et qu’un peu de lumière se fait ici plus qu’ailleurs ; ou en raison de la forme de cet arbre.

Ce soir là, cinq viendront. Il y a ce couple, égaré, en retard, ils demandent le chemin ; il y a ce vieillard, en quête de ce qu’il a perdu jadis ici ; il y a ce très jeune homme qu’on traque, et cette jeune fille, sidérante de beauté, qu’il a prise en chemin — et là où ils viennent tous, il y a cet homme seul qui sait le secret du lieu, demande le prix du passage.

Et toujours l’ombre de l’arbre, le vent qui fait venir le bruit du fleuve plus loin, avec ce cri parfois des voix de plus loin encore.

C’est un seul soir, qui n’a pas de durée ; c’est un lieu qui prend la forme des pas et de la peur quand on vient les poser là ; c’est l’Exacteur, l’homme qui attend, prononce les paroles d’un rite étrange, disparu, inacceptable.

Et dans ce soir-là, ballet des corps tournoyant auprès du centre fuyant du lieu où viennent s’accomplir toutes les vies, s’abolir une part de l’énigme de chacun, ce qu’on dit recouvre un désir plus grand : celui qui dirait combien est insuffisante la vie, et incomplet l’espace que recouvrent nos pieds.

Ce qui se joue pourrait tenir au lieu même du nom où les corps vont et viennent : une solitude. Il y a la question que l’Exacteur ne posera jamais, et à laquelle ils doivent répondre. Il y a le mot qui pourrait les délivrer, et qu’ils refusent pourtant de donner.

C’est dans le refus, le cri des voix derrière. Le vent dans les branches mortes, ou la chevelure de la jeune fille, le sang coulé de tous. Là tous se tiennent devant le centre vide de leurs vies.

C’est un tombeau : non pas l’hommage aux morts, mais la force de ceux qui, penchés au-dessus des corps, lèvent la voix, montrent leur visage, s’appellent par leur nom, et disent : notre monde est de l’autre côté du fleuve.