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Internet | temps réel
jeudi 9 septembre 2010
1. temps réel, cela pourrait dire : directement connecté aux battements du monde ; mais tout aussi bien : que le battement du monde devient celui des veines du poignet, au frottement des touches, et surgissement des fenêtres sur l’écran qui font advenir avec le monde une présence du monde à soi. En temps réel, en présence.
2. soit le mot présence : contre l’idée reçue d’un temps accumulé sans mémoire, entreposé dans l’oubli vite chassé par l’événement qui saura prendre la place, l’idée plus juste d’un temps toujours présent, toujours présent à lui-même, à chaque moment présent : et comment le passé recommence sans cesse dans le geste de l’actualisation du monde — une contemporanéité toujours là.
3. ici et maintenant, c’est ici et maintenant ; ou pour le dire autrement : ici et maintenant a eu lieu et se prolonge encore à l’instant où.
4. instant : imminence : à présent : de nouveau. Internet réécrit le dictionnaire.
5. du réel en surface : la vitre sans tain des événements : on écrit toujours avec du monde en soi qu’on chasse, comme on dit que le vent chasse.
6. du réel en profondeur : plonger la main dans le vide (tâcher de) et ressortir la main pleine (si c’est de la forme —, si c’est de l’informe) : parfois, ce n’est pas notre propre sang qui coule des ongles. On a gratté un peau morte du monde, et on laissera sur les touches quelques gouttes qui sècheront au soleil.
7. surface ou profondeur : apprentissage d’internet : les vieilles dialectiques n’existent plus, ou en tout cas ne fonctionnent plus. Sur mon écran plein de traces de doigts, comment savoir si c’est mes doigts à moi, ou celles du monde dedans qui frappe à la vitre.
8. intériorité ou extériorité : c’est dans le flux des échanges qu’on échappe aux vieilles lunes. La lune de toute manière a déjà été piétinée. On a soif d’autres choses. Il y a des continents qui n’ont à leur surface pas de drapeau, en profondeur pas de puits en fuite.
9. informations : à l’écran, ouverts : messagerie, musique, pages, dictionnaire, bruit du monde. Et le tout qui circule. Et dans le frottement, on assiste à quelque chose comme. Écrire, ça voulait dire : transitiver la parole. Et maintenant, on produit des paroles qui transitivent le monde.
10. répondre au réel, répondre de lui — il y a des lieux du monde qu’il faut raconter pour les approcher (et non l’inverse). Il y a des lieux dans le monde qui ne sont pas encore nommés. Raconter cela. Raconter le mieux possible pour leur appartenir.
11. Internet, ça voulait dire : échanger des informations sur un grand mur ; maintenant qu’on écrit sur le mur, on ne le voit plus. On emportera les pierres pour faire quoi ? Une muraille ? Une maison ? Un barrage ? Internet, ça pourrait vouloir dire : dans le temps réel, architecture des formes neuves.
12. On n’écrit plus des livres, nous autres, mais les lettres qu’on dessine sur nos écrans, si elles nommaient quelque chose de notre appartenance, est-ce que le monde en retour ne se trouverait pas changé ? Et quand on l’écrit de nouveau, qu’est ce que cela produit sur les dessins de nos lettres : palimpsestes numériques. Et pendant ce temps, qu’ils écrivent des livres, ça meublera les étagères, tiendra droit les murs de paille derrière eux.
13. Dans un livre, on ne se voit pas dedans. L’odeur du papier a ses défenseurs. Qui défendra la réflection des écrans ? Au juste, on ne se voit pas vraiment : seulement la silhouette autour de soi, jamais le visage — le visage, il est dans ce qui s’écrit, apparaît parfois, s’abîme le plus souvent. Et reprendre, recommencer.
14. Internet, ça voudra dire : en lisant en écrivant dans tous les sens, et comment ça nous a maintenu vivant de nommer le monde, un endroit du monde non localisé, en déplacement constant, lieu qui existait quand on le faisait fonctionner sous nos doigts, et la solitude en partage qui circulait : et la vie entre qui battait.