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Mémoires de nos sites | chiffre de l’almanach
lundi 2 octobre 2017
à Marseille (ce n’est pas une allégorie)
nm (chi-fr’)
1. Caractère qui représente les nombres. Les chiffres arabes (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 0).
2. Le montant ou total. Le chiffre du budget s’élève de plus en plus.
3. Par extension, caractères de convention pour une correspondance secrète.
4. Façons de parler dont certaines personnes font usage pour s’entendre sans être comprises des autres. C’est un chiffre entre eux.
Par analogie. « Il n’y a nul chiffre à tout ceci. » [Sévigné, 106]
Deux mille dix-sept : ceci est donc la deux-mille dix-septième page du site. Dans ce labyrinthe que je construis patiemment, insensément, désespérément, bien sûr que je m’attache aux signes – comme dans cette vie. On n’a pas d’autres repères pour aller, dans ce monde qui s’écroule : des signes qu’on arrache au hasard pour mieux refuser de les suivre.
Ainsi : ce chiffre que spip dépose à la fin de l’URL – et qui dénombre les pages du site. Étrange de compter un site en nombre de pages : certains font trois mots, d’autres trente mille. C’est une page : certaines même n’existent pas, ou plus, certaines sont cachées, perdues, enfouies sous les autres : toutes sont enfouies sous les autres. Les deux mille seize autres pages sont enfouies sous celle-ci. C’est un site : un grand trou où ruser contre la verticalité ne sauve de rien, pas même contre le site. Il faut l’accepter aussi.
Cette année 2017, j’aurai atteint le nombre deux mille dix-sept : et même dépassé, peut-être. Signe de quoi ? De rien, évidemment. Chiffre bizarre malgré tout d’une appartenance : de quoi on dispose, désormais, comme mémoire ? De mille choses et davantage : mais plus de journaux. On a les mails, et les photographies : quand je veux savoir où et ce que je faisais tel jour, j’ouvre le lourd fichier images : je sais immédiatement. Avant 2004, je n’ai pas de mémoire. Entre 2004 et 2007, il y a des semaines sans image. A partir de là, pas un jour sans une dizaine. Et puis, le site.
Qu’à chaque année réponde un article : cela ferait un projet web magnifique. Il faudrait choisir patiemment. Écrire chaque jour une année, dans l’ordre. Manière de ne pas laisser la chronologie aux réactionnaires : une histoire web de l’année, par son chiffre. Seul inconvénient : après 2017, le site serait clôt.
Quand j’écrirai la page 2018, est-ce qu’en elle se dira déjà l’année à venir ? Et les autres : les autres ?
Je ne dépose aucun lien dans cette page : j’aurais pu (je l’ai fait) consulter la page 1789, 1000, 1870, 1917, 1515, 1214 : et d’autres dates riches de sens, dont les pages ici seraient censées porter le chiffre, le secret et le sens. Mais non, évidemment.
Dans l’almanach arbitraire d’un site, il y a d’autres chiffres, d’autres ruses, d’autres pages secrètes : non seulement celles à venir, qui seules importent, mais aussi celles qui n’ont aucun rapport avec l’histoire passée, et tout en commun avec l’histoire inventée pour qu’on la rende enfin possible et désirable.