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La ville écrite | Des horizons
Allée
samedi 17 décembre 2022
En l’entendant, je regrettais naïvement de ne pas avoir connu ce qu’elle appelait un reste d’ancien régime. J’aurais dû penser qu’on appelle ancien régime ce dont on n’a pu connaître que la fin ; c’est ainsi que ce que nous apercevons à l’horizon prend une grandeur mystérieuse et nous semble se refermer sur un monde qu’on ne reverra plus ; cependant nous avançons et c’est bientôt nous-même qui sommes à l’horizon pour les générations qui sont derrière nous ; cependant l’horizon recule, et le monde, qui semblait fini, recommence.
Proust, À la Recherche du temps perdu
C’est à son absence qu’on se sait dans la ville, la forme fabriquée sur le monde pour lui donner ses contours définitifs : dénuée d’horizon, la réalité vient se parfaire dans la ville souterraine qui est désormais l’idéal de ville. Alors quand on se retrouve ici et qu’on tâche de se repérer sans l’aide d’aucune étoile, d’aucun ciel, qu’on marche malgré soi dans l’allée des horizons sous le sol bétonné de la friche, on sait que l’anti-phrase est le codage de toutes choses désormais — on emprunte cette route malgré tout, sûr de se perdre davantage : mais au juste, quand on ne sait pas où on est, peut-être qu’on ne se perd pas, qu’on ne fait qu’aller dans les allées sauvages dont l’arrière-monde recule à mesure qu’on s’approche du fond des choses où l’horizon s’effondre.