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La Ville écrite | liberté d’expression
les mots manquent
dimanche 26 mai 2019
les mots manquent pour dire combien nous sommes libres de dire tout ce qu’on veut comme par exemple que je ne sais pas je n’ai pas les mots je n’ai pas les phrases je n’ai pas les paragraphes ni les livres entiers pour le dire mais je suis libre évidemment par exemple de dire que les arbres sont nus et que le ciel me dévore que les hommes sont des tueurs je suis libre tous les murs de cette ville le disent et tandis que les hommes qui gouvernent ce pays et qui sont des tueurs installent partout des panneaux de bois blanc pour m’inviter à exprimer ma liberté ils peuvent en liberté continuer à faire le contraire de ce que les panneaux de bois blanc portent par exemple tuer les arbres pour faire des panneaux de bois blanc les hommes qui gouvernent ce pays continuent de tuer et ce monde de tracer sa route librement au milieu des forêts détruites pour fabriquer ces panneaux qui nous invitent librement à dire que tout cela est abject et criminel alors devant le panneau de bois blanc je ne dis rien j’ai au moins cette dignité là de savoir que les mots ajouteraient seulement de la bonne conscience à l’abject oui je reste silencieux et peut-être que ce n’est pas juste à l’égard des arbres et des fleurs et des femmes et de tout l’amour possible qui pourrait librement s’exprimer - les hommes qui gouvernent ce monde aiment que l’on parle d’amour tandis qu’ils tuent les arbres et tout ce qui dans les arbres pourraient rendre possible la vie possible - moi je ne suis pas sûr d’être d’accord avec moi-même si je devais librement parler d’amour et des fleurs alors je garde la main en l’air suspendue dans l’incertitude de dire quoi que ce soit qui soit libre et je ne dis rien je regarde la blancheur du mur de la liberté qui bientôt portera les visages des hommes — des tueurs — et si peu de femmes et qui diront vote pour moi s’il te plaît pour être davantage libre et je cracherai sur le sol puis je regarderait les arbres nus et le ciel vide et je me réfugierai dans un café sans retenir mes larmes et cherchant à arracher à toute cette liberté d’expression quelque chose qui me fasse honte et dans lequel je pourrai mourir