La ville écrite | Nature ⬆️

Que l’opposition NatureCulture ait surtout servi à faire passer l’une sous l’emprise de l’autre, on le sait, on le voit. Ils disent qu’il est naturel d’asservir les faibles aux forts, tandis que toute l’Histoire raconte comment ils les ont asservi·es pour les rendre faibles et justifier leur pouvoir — on le voit, on le sait. Et dans un même et sinistre mouvement, ils jugent naturellement bonne et supérieure leur culture, et dégénérée celle de tous les autres, puisqu’autre : ils disent que leur culture est la nature même, norme et mesure de toutes choses, celles de la culture des autres comme de la nature même. Le fascisme se reconnaît aussi à cette faculté à planter des potagers dans les villes.

On le voit, on le sait

Et le café de France se remplit tandis que la nature dans ses bacs sèche sur pied ; les fleurs ont poussé sur les alpages dès février et le mois de mai, le joli mois de mai, est là dès mars — qu’est-ce qui pourrait aller mal ? L’enfer gagne un demi degré chaque hiver et nous y faisons pousser nos passoires thermiques en espérant que la fonte des glaces va refroidir tout cela et tout recouvrir.

La terre ne dit pas la vérité ni ne ment : elle est cet horizon où nos ombres s’étendent et sont enterrés nos morts, où poussent vers le ciel ce qu’on enfouit vers le centre de la terre.

Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend disent en face, ceux, celles qui font face et écrivent Nature sur les bacs en plastique pour désigner d’un mot la violence faite à la ville, à la nature et à l’écriture — entre le mot et la chose, ce qui fait violence à l’identité de l’un et de l’autre creuse plutôt ce gouffre entre une vague au milieu de la mer et l’arbuste mort née qui est à la nature ce que le dernier rhinocéros élevé en cage dans le zoo de Douai est à la vie sauvage : un document attestant de la mise à mort du vivant sous ses propres yeux.