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La Ville écrite | pas de chemin
lundi 27 février 2017
Je jetai, par dessus le parapet, le canif qui m’avait servi à graver les lettres ; et, faisant quelques rapides réflexions sur le caractère du Créateur en enfance, qui devait encore, hélas ! pendant bien de temps, faire souffrir l’humanité (l’éternité est longue), soit par les cruautés exercées, soit par le spectacle ignoble des chancres qu’occasionne un grand vice, je fermai les yeux, comme un homme ivre, à la pensée d’avoir un tel être pour ennemi, et je repris, avec tristesse, mon chemin, à travers les dédales des rues.
Lautréamont
Reprendre chemin : oui, mais où ? Devant soi, l’histoire est un grand mur mal maçonné, et l’horizon lui ressemble, comme le ciel et la terre, grise et haute, et couvert d’inscriptions parcellaires qui sont autant de livres, autant de pierres posées les unes sur les autres, mal cimentées, et on pose la main sur la paroi du monde et on se blesse, et on saigne peut-être, il pleut, le sang laisse à la surface des lettres sans ordre qui nomment le mur et la situation historique, no Way.
No Way, c’est ce qu’ils disent dans leur langue pour vaguement écarter l’hypothèse : nous, on dirait plutôt hors de question, mais eux, c’est le chemin qu’ils prennent pour dire : on ne prendra pas ce chemin. Il n’y a pas d’alternative pourtant, disent les autres : TINA en lettres brunes qui semble le programme électoral le plus partagé du monde ; nous, on voudrait le chemin qui fraie.
No Way écrit sur un mur, ce n’est pas une indication, plutôt une menace.
Le chemin, c’est à coup de pierres qu’il faudrait se l’ouvrir dans le mur, le fendre en deux comme du pain ou comme son propre crâne et aller, dans l’ignorance du chemin, ou pour mieux le désirer autre : pas de chemin, c’est le signe le plus sûr qui appelle à cracher et aller et aller encore comme dans le corps d’un monde qui dirait ce n’est pas par là, et c’est par là qu’on irait, loi du désir, des corps, des morsures et des mondes neufs.