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La Ville écrite | religion est une foli (Aristote, Alexandre et la caresse)
lundi 2 avril 2012
rue tolbiac
Un mot resté en travers de la gorge, même pas : une lettre, mais qu’est-ce que cela changerait — le message passe, on comble les trous. On ne fait que cela. Combler les manques : la ville ne cesse de les exposer ; une ville bâtie sur son absence. Qui prend la peine d’écrire sur un papier sale de dix centimètres des lettres de rage, témoins d’un amour infini pour Dieu si c’est ainsi pour en insulter l’usage : qui prend cette peine, après avoir écrit ce que je devine l’œuvre d’une vie, de l’afficher au dos d’un banc planté au milieu de nulle part (d’un grand boulevard). Qui prend la peine d’en arracher, en passant, une partie (une partie seulement). Qui prend la peine ensuite de se pencher sur cela, considérer toutes ces peines inutiles et acharnées — pour les prendre en photo (les prendre pour les emmener où, avec lui). Hier, lecture de la belle revue L’Impossible : cette histoire de fragments d’une pièce d’Aristote retrouvés qui aurait servi à l’enseignement d’Alexandre Le Grand. Dans le grand jeu des écritures effacées, rien ne sert de savoir qui est ici Aristote, Alexandre, le Monde conquis, effacé, perdu : on rêve longtemps autour, cela suffit. Et l’œuvre de nos vies : où ? Qui pour dire : voilà l’œuvre de ma vie. Il y a des adresses sans timbre et des gestes sans adresse. Et puis, il y a la ville qui reçoit tout, parle cette langue incessante faite de mots manquants, de folies furieuses, d’appels sans recours, d’arrachements et de caresses sans qu’on puisse savoir ce qui tient de l’arrachement et ce qui tient de la caresse. Un cri interrompu avant même d’être entendu. Image de l’écriture ? Non, de la littérature. Un bus passe, je le laisse passer : prendrai l’autre, pour la peine, il en viendra tant.