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La Ville écrite | rien

ce qui s’appelle rien

jeudi 7 mars 2019

To-morrow, and to-morrow, and to-morrow, / Creeps in this petty pace from day to day / To the last syllable of recorded time, / And all our yesterdays have lighted fools / The way to dusty death. Out, out, brief candle ! / Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more : it is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing.

Wil. Shkspr

C’est ce face à quoi on bute dans la nuit quand on marche dans la nuit et qu’on ne rencontre qu’elle ; c’est ce qu’on a dans la tête après le réveil, et dans le corps après avoir vomi toute la rage qu’on a et celle qu’on n’a pas devant les images du monde, c’est ce qu’on a dans les mains quand on naît, c’est sur le visage, c’est ton nom, c’est la voix quand tu trembles, c’est la voix quand je tremble, c’est ce qui suffirait pour dynamiter ce monde, c’est ce qu’on sait : c’est rien.

Du rien on en ferait une question : la ville nous la pose. Ta vie, rien ? Les émeutes, rien ? Tes désirs, rien ? Tes promesses d’enfant, rien ? Tes gestes quand il faut bousculer ou caresser, rien ? Tes colères, rien ? Tes hontes d’être un homme, rien ? Tes sacrifices, rien ? Tes heures perdues, rien ? Tes nuits blanches, rien ? Tes regards sur : rien ?

Non.

Face à la question tu avances aussi, et c’est la nuit : tu la déchires comme on traverse la question, et tu vas vers ce qui serait le contraire de rien, cette vie qui s’allonge comme ton ombre, ou le corps étendu dans la lumière de quinze heures.