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La ville écrite | Sol / Bord

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jeudi 2 mars 2023


Je m’étonne de tomber dans l’angoisse et pourtant ! Je ne cesse de jouer : c’est la condition de l’ivresse du cœur. Mais c’est mesurer le fond nauséeux des choses : jouer c’est frôler la limite, aller le plus loin possible et vivre sur un bord d’abîme !

Georges Bataille, Les Larmes d’Eros

Le ciel est ce bord du monde que nous touchons rien qu’en levant les bras et qu’on ne peut jamais repousser — qu’il est impossible de franchir : et peut-être que toute cette réalité est à son image, bord sans abîme, que le temps repousse sans cesse, sur quoi nous nous tenons, et qu’on toise.

La tentation de jeter le monde par dessus bord est telle qu’on se surprend dans nos rêves à être soulager de le voir basculer, là-bas : au réveil, le sentiment de lâcheté, de terreur, d’impuissance se redouble : on sait pourtant qu’il faudrait en finir avec ce monde-là pour rendre possible notre vie-même.

Danser au bord des choses : danser n’est que marcher aux bords des choses ; le bord, c’est bien cette frontière entre le lieu où l’on danse et tout le reste de l’univers — et pour ceux qui, comme moi, sont incapables de danser, danser n’est que l’autre mot qui désigne le regard posé sur ce qui nous sépare du vide.

C’est toujours au bord que se passe l’histoire, qu’a lieu le présent, que se dérobe l’événement : on ne sera toujours qu’au bord de la catastrophe jusqu’à la fin de temps.