arnaud maïsetti | carnets

Accueil > FICTIONS DU MONDE | RÉCITS > La ville écrite > La Ville écrite | Théorie des erreurs

La Ville écrite | Théorie des erreurs

la loi

lundi 9 janvier 2023


Error communis facit jus

L’erreur commune fait loi


Il suffirait de s’ôter de l’esprit les lois de la gravité pour enfin cesser d’être arrimés à la terre : possédés par cette idée, nous ne sommes que soumis à cette force d’attraction qui nous leste incapables de toucher le ciel — superstition.

En théorie, rien ne résiste à la théorie, pas même la pratique ? En passant devant l’échoppe aux livres — des livres de mathématique, quelle merveille —, on rêve : on s’attarde devant les titres comme devant un poème composé par le rêve lui-même (nous sommes juste derrière l’Hôtel des Grands Hommes où Breton et Soupault ont inventé pour l’humanité qui ne demandait rien l’écriture automatique) ; on pense : la théorie n’existe que pour rendre impossible toute erreur, alors une théorie des erreurs, c’est le vertige fixé, l’insondable nœud fait à la pensée, l’inexprimable silence hurlé dans la nuit et qu’on n’en parle plus.

Il faudrait disposer ce livre en vitrine de chaque librairie, comme un avertissement : ou comme sur le quai des gares on agite les mouchoirs en souhaitant bon vent et que le chemin te protège, on se verra à la Pâque, et on sait bien que c’est faux, et il fait froid, on regarde une dernière fois, le train a disparu — on n’a que ce livre et on est incapable de le lire, c’est écrit dans le langage fermé comme le poing de la mathématique, autant dire de l’espace réduit à du connu, au langage sacrifié à la raison, et à la peine.