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[Tondi] | les forêts
d’or
mardi 23 avril 2013
sont si loin (la ville ne cesse de le dire)
à leur lisière (on n’entend de leurs rêves que des mouvements qui détalent à gauche, à droite, dans les talus recouverts d’orties), l’enfant que je ne verrai toujours que de dos dans cette rue où je suis passé vite hier et qui m’a semblé faire ses premiers pas, s’éloigne aussi
le chemin, nu d’ombres, qui s’en va et fait l’angle avec la vie laisse voir des traces de pas, d’hommes ou de filles, il faut se pencher pour le voir et on n’a entre les doigts que de la poussière
un arc-en-ciel pleut au-dessus des arches, et j’entends comme un bruit de mer et d’orages, ce n’est que ma respiration : j’arrête de courir, le corps lui continue ; sa fatigue tombe comme des soleils qui tombent, et moi debout au milieu de mes cendres, sueurs blanches, cheveux emmêlés d’absence qui fore
je boirais aux feuilles de rosée s’il n’y avait pas cette absence de rosée et de feuilles, partout, qui me harcèle – les forêts, partout, s’écartent
les draps défaits encore
impossible de raconter l’impossibilité de raconter
c’est dans villes, rimb. dit l’occident éternel des forêts (les villes), et fait l’esquisse d’un rêve de chasse
je serais bien, moi aussi, le chasseur, gentilhomme sauvage rampant sous les herbes pour abattre (et dévorer ensuite, à table, après l’avoir amoureusement cuisinée parfumée salée poivrée) la lumière qu’on a créée – s’il n’y avait pas la nuit dès cinq heures à cause de la hauteur des immeubles ; la ville aux nuits artificielles en plein jour, et multiples quand on les marche et slalome entre elles : ce qu’on cherche est l’ombre et la lumière crues : oui, crues, comme de la viande mangée à vif d’elle, de cruauté et de tendresse portée aux lèvres de sang, coulée ; crue est le mot qui dit aussi le débordement des grandes eaux ; la foi en la mort du dieu qui n’abolit ni le dieu ni la vie ; et ce qui s’agrandit en soi de ces ombres, de ces lumières : quand je marche dos au soleil, mon corps porté sur le sol devant moi, mes jambes allongées qui s’allongent encore étirées par le soir vers lesquelles je vais, mon ombre étendue dans la lumière, c’est moi qui l’a produite, c’est moi qui la fait aller, c’est moi qui court vers elle, l’éloigne du soleil, l’approche de la nuit qu’elle ne verra jamais en laquelle confondue elle ira s’effacer, et s’accomplir