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À un ami | « Le temps passe. C’est sa nature. »

mardi 11 novembre 2014


Par le Parti Imaginaire
Texte repris en introduction à l’ouvrage Maintenant, il faut des armes,
textes choisi d’Auguste Blanqui paru aux éditions de La Fabrique en février 2007.


— 1. « Nous sommes encore affligés de bien des superstitions »
— 2. « L’universel désir d’être quelqu’un »
— 3. « Le moi m’a toujours laissé de glace »
— 4. « Dionys Mascolo a écrit sur Saint-Just une phrase qui vaut de Blanqui aussi bien »
— 5. « On se fourvoierait à réveiller au sujet de Blanqui le spectre du « Surhomme ». »
— 6. « La veille de la proclamation de la Commune »
— 7. « Enfoncés les romantiques ! »
— 8. « Les partisans de l’attente »
— 9. « Qui se résorbe en un destin se trouve de plain-pied avec ceux qui le partagent. »
— 10. « Lacambre, Tridon, Eudes, Granger, Flotte, la plupart des conspirations de Blanqui ne sont au départ que des amitiés »
— 11. « Les ratiocinations du ressentiment ont l’art d’inverser les relations logiques. »
— 12. « Tous les textes de Blanqui sont des textes circonstanciés. »
— 13. « Le temps passe. C’est sa nature. »
— 14. « Décembre 2006. Le navire national fait eau de toutes parts. »

Le temps passe. C’est sa nature. Tant qu’il y aura du temps, il y aura l’ennui, et le temps passera. Le passé, lui, ne passe pas. Tout ce qui s’est réellement passé porte en soi une étincelle d’éternité, s’est inscrit en quelque recoin de l’expérience commune. On peut en effacer les traces, pas l’événement. On peut bien en pulvériser le souvenir, chaque débris contient la monade totale de ce que l’on croit détruit, et l’engendrera à nouveau, l’occasion venue.

Répétons-le : l’historicisme est un bordel où l’on prend soin que les clients ne se croisent jamais. Le passé n’est pas une succession de dates, de faits, de modes de vie, ce n’est pas une penderie de costumes, c’est un réservoir de forces, de gestes, une prolifération de possibilités existentielles. Sa connaissance n’est pas nécessaire, elle est seule- ment vitale. Vitale, pour le présent. C’est à partir du présent que l’on comprend le passé, et non l’inverse. Chaque époque rêve les précédentes. La perte de tout sens historique, comme en général de tout sens, dans notre époque, est le corollaire logique de la perte de toute expérience. L’organisation systématique de l’oubli ne se distingue nulle part de l’organisation systématique de la perte de l’expérience. Le révisionnisme historique le plus dément, qui parvient désormais à s’appliquer aux événements contemporains eux-mêmes, trouve son terreau dans la vie suspendue des métropoles, où l’on ne fait jamais l’expérience de rien, sinon des signes, signaux, codes, et de leurs conflits ouatés.

Où l’on fait des expériences, des expériences privées, qui flottent, mutiques, ininscriptibles, nulles ; intensités implosives qui ne peuvent se communiquer au-delà des murs d’un appartement, et que tout récit vide plus qu’il ne l’offre en partage. C’est sous la forme de sa privatisation que s’exprime le plus communément, désormais, la privation d’expérience.