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À un ami | « Nous sommes encore affligés de bien des superstitions »
premier extrait
vendredi 26 septembre 2014

Texte repris en introduction à l’ouvrage Maintenant, il faut des armes,
textes choisi d’Auguste Blanqui paru aux éditions de La Fabrique en février 2007.
— 1. « Nous sommes encore affligés de bien des superstitions »
— 2. « L’universel désir d’être quelqu’un »
— 3. « Le moi m’a toujours laissé de glace »
— 4. « Dionys Mascolo a écrit sur Saint-Just une phrase qui vaut de Blanqui aussi bien »
— 5. « On se fourvoierait à réveiller au sujet de Blanqui le spectre du « Surhomme ». »
— 6. « La veille de la proclamation de la Commune »
— 7. « Enfoncés les romantiques ! »
— 8. « Les partisans de l’attente »
— 9. « Qui se résorbe en un destin se trouve de plain-pied avec ceux qui le partagent. »
— 10. « Lacambre, Tridon, Eudes, Granger, Flotte, la plupart des conspirations de Blanqui ne sont au départ que des amitiés »
— 11. « Les ratiocinations du ressentiment ont l’art d’inverser les relations logiques. »
— 12. « Tous les textes de Blanqui sont des textes circonstanciés. »
— 13. « Le temps passe. C’est sa nature. »
— 14. « Décembre 2006. Le navire national fait eau de toutes parts. »
À juger par la disposition présente des esprits, le communisme ne frapperait pas précisément aux portes. Mais rien de si trompeur que la situation, parce que rien n’est si mobile. »
Nous sommes encore affligés de bien des superstitions. Nous avons nos hallucinations collectives dont seuls doutent les fous, et nos apparitions à nous, qui ne se distinguent de celles d’antan que pour être plus séculières. Nous croisons nos semblables, et nous voyons sincèrement des personnes, des gens. Nous aimons quelqu’un, et nous parlons de « l’Autre ». Un siècle nous sépare d’une vie et nous la postulons lointaine. La dissemblance des habits, quelques variations dans le vocabulaire suffisent à nous convaincre d’une distance infranchissable. Mais ce que nous comprenons ne peut être qu’une part de nous-mêmes, ce que nous entendons ne peut pas être bien loin.
Blanqui n’est pas un personnage historique, détrompez-vous. Il ne nous revient pas comme un fantôme du XIXe siècle, sauf à considérer qu’un siècle puisse traverser les âges. Blanqui est d’hier, de demain, de maintenant. Blanqui a bien existé, les faits l’attestent, mais les faits attestent aussi qu’il a d’abord existé comme personnage conceptuel – comme le Zarathoustra de Nietzsche, ou le Gilles de Rai de Bataille, ou l’Héliogabale d’Artaud. D’où son éternité propre. Gustave Lefrançais note dans ses Souvenirs : « Pour les 400 000 votants de la Seine, Blanqui n’est qu’une expression révolutionnaire. »
Le nom Blanqui ne se rapporte pas à une personne, mais à une possibilité existentielle, à une façon d’être-là, à une puissance d’affirmation. Si Blanqui a justement été surnommé « l’Enfermé », c’est pour l’acharnement dont ON fit preuve à contenir cette puissance dans la figure historique de Blanqui non moins que pour ses trois décennies sous les écrous. La prison, la gloire, la calomnie sont des moyens que commande opportunément la nécessité d’isoler les existences trop ardentes.
