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auprès du soir et de l’aube (tout ça pour ça)
jeudi 31 octobre 2013
C’est aussi simple qu’une phrase musicale.
Rimb.
Il y aurait tout ce qui empêche, et les efforts que fait le monde pour plier contre soi, jusqu’à nous faire rompre — on ne rompt jamais ; tout ce qui autour de soi forme ce complot de forces qui minent, pourrait faire qu’un soir, on s’arrête, on s’assoit sur le bord, on pose les mains dans la terre, on ramasse la poussière comme du sable en jouant avec elle et disant : oui, j’arrête, et on regarderait le ciel passer au-dessus de soi, sans un regard sur nous, filer vite de l’autre côté du jour et le matin se lèverait sans nous — mais non.
Parce qu’il y a en regard l’infime des secondes arrachées à ce chaos, instants qui remettent tout d’aplomb, comme à leur place, une place en soi de fragilité, et de force, comme intacte l’origine où nous sommes là où est l’endroit où on a choisi d’être : contre la totalité des lois du réel, celles qui exigent l’appartenance sociale à ce monde, imposent de donner le change — rendre une monnaie qu’on ne possède pas —, et disent sans cesse : nul n’est censé ignorer la loi (j’ignore toutes ces lois), et sans cesse produisent chaque seconde (ces jours, impression que le jour n’a été inventé que pour administrativement trouver des moyens de le légitimer : et administrativement, il faut bien que cela résiste pour régler ces problèmes) : contre tout cela, il y a ces quelques secondes, contre tout cela, quelques secondes seulement qui en réponse traversent, bouleversent et équilibrent, résistent, justifient la vie.
Ce n’est pas grand chose, c’est la simplicité comme du ciel qu’on aperçoit entre deux tours, chargé d’un rose qui vient de plus loin que lui, que le souffle lointain du désir a porté jusqu’ici, ou comme de l’eau chaude qui glisse sur la peau, une morsure, la tendresse d’une morsure, les cheveux déroulés contre soi, le désir immense de lui appartenir, ou à distance le manque qui nourrit le désir et le désir qui n’est plus du manque seulement le dialogue entre deux silences qui disent combien je suis là désormais, et hier soir, la pensée d’être là, simplement, dans la simplicité comme de la mer touché des yeux au lointain, moi aussi là comme la mer, à égale valeur, et pour une égale existence, de désir et de soi qui relève de plus que seulement soi, sous l’eau chaude qui enveloppe, les bras qui serrent d’autres bras qui serrent et cerclent le territoire du monde où vivre contre le monde et ses territoires, et avec lui, être cette partie du monde-là.
Quand l’ordre du chaos reprendra, ensuite, il aura été mis pour toujours à distance, et il pourrait bien dicter des lois impossibles, on saura que toute la vie aura conduit à ces secondes-là, simples et minuscules qui valent plus que l’or, et tout cela aura conduit à cela, de simplement nu comme deux corps soudés l’un à l’autre à leur propre nudité, à leur propre désir.
C’est s’endormir simplement, avec ce désir de recommencer le temps. C’est respirer lentement, doucement, ce désir, tandis que le monde dehors est plein de bruit, de voitures qui vont n’importe où, qui crient, c’est auprès du soir et de l’aube, ce recommencement, infiniment recommencé.