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aux printemps redoutables

samedi 11 février 2017


quelle âme est sans défaut ?

Rimb.


Mowukis, Castles Left (No Answers No)

On aurait tant de raisons de renoncer, en regardant ce qui autour s’effondre et s’effondre encore, ce monde comme du sable bâti sur du sable et la mer qui va tout emporter, et nous, au bord de ces mondes en déroute, emportés aussi, avec nos colères et nos raisons de renoncer.

On se surprend pourtant parfois à rêver : par exemple, à l’expression un seigneur redouté.

La redoute , c’est cette forteresse à l’avant du château qui le défend : quand un Seigneur vient essuyer les colères de son peuple, il se redoute : s’enferme dans son château, et attend que la colère passe et l’hiver. L’hiver vient souvent avant.

Qu’il est toujours dangereux pour le Seigneur le temps où il doit se redouter : c’est alors qu’il cesse d’être redoutable. Que la colère vienne, dit-il, et vous éprouverez ma redoute : nous répondons que la colère vienne (d’ailleurs, elle est là).

Devant un château de sable dévoré par le vent et la mer, on a de ces rêves, on pense aux colères et aux printemps redoutables.

Dans leurs courriers, les seigneurs s’appelaient ainsi : Très-Redoutés Seigneur. On flattait l’autre par ce mot qui disait le seuil de la puissance et de la fragilité, la peur d’être renversé, la gloire de ne pas l’être encore, et on rappelait à chacun ce seuil pour invoquer le temps et l’hiver peut-être. Comment se nomment-ils, aujourd’hui, nos seigneurs qui n’ont de la puissance que la fragilité ?

Devant nous, rien que la ville derrière la mer, et le printemps. On a de ces rêves : il faudra en finir aussi avec les rêves, ou simplement y puiser la colère, et le vent, et la joie d’être l’enfant qui piétine le château et qui devient le vent et la mer, et la colère et la joie de refonder d’autres mondes moins redoutés, plus désirables, pour d’autres hivers, d’autres printemps.