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aux reflets des villes

mercredi 20 avril 2011


Reflections (Daft Punk, ’Tron : Legacy’ (BO)


REFLET
(re-flè ; le t ne se lie pas dans le parier ordinaire ; au pluriel, l’s se lie : des re-flè-z argentés) s. m.

1° Réflexion de la lumière ou de la couleur d’un corps sur un autre.
Les reflets des nuages sur les champs.

Tous deux ont la tête garnie de petites plumes à demi relevées en huppe noire, à reflets verts et violets, BUFF. Ois. t. VIII, p. 325.
Ce sont ces reflets infinis des ombres et des corps qui engendrent l’harmonie, DIDER. Essai sur la peint. ch. 3.
Nos pensées sont susceptibles de différents coloris : séparées, chacune a une couleur qui lui est propre ; rapprochées, elles se prêtent mutuellement des nuances, et l’art consiste à peindre ces reflets, CONDIL. Art d’écr. II, 6.
Tels, dans l’airain brillant où flotte une eau tremblante, Le soleil..., croise son jeu mobile.... Et des murs aux lambris rapidement promène Des reflets vagabonds la lueur incertaine, DELILLE, Én. VIII.
Le perfide reflet [de la lune sur les armes] les a trahis tous deux, DELILLE, ib. IX.
Le reflet c’est la lumière renvoyée frappant dans la demi-teinte un corps solide, et il ne faut pas que le jour ait l’air de passer à travers la toile, TH. GAUTIER, Feuilleton, Moniteur universel, 9 mai 1868.

Fig.

Saisir, dans les caractères, tous les reflets des vertus sur les vices, et des vices sur les vertus, MARMONTEL, Oeuv. t. IV, p. 411.
La littérature, qui n’est que le reflet des moeurs, LAHARPE, Cours de lit. t. VII, Introd. p. 54, dans POUGENS.
Le siècle de la reine Anne ne fut qu’une espèce de prolongement ou de reflet [du siècle de Louis XIV], CHATEAUB. Génie, II, III, 5.

Littré


Il y a une autre ville dans la ville — non : pas en elle vraiment, mais comme sur elle, posée comme une strate supplémentaire qui la multiplie, la contient et l’épaissit. Sur elle se pose cette ville, une main positive qui laisse ses traces de doigts, de sang, de tout ce qui pourrait la signer avant son départ. On ne voit jamais de geste, seulement sa trace. Un dépôt de ville sur la ville qui se laisse voir, parfois, à quelques passants plus en retard encore que les autres qui courent manquer leur train. Ces passants en retard lèvent les yeux au ciel et ne rencontrent que de la ville traversée par elle-même. C’est pourquoi (mais pour d’autres raisons encore, plus opaques) ces passants ont la haine de la ville — ignorent combien leur haine accroit le désir que la ville leur porte.
Quand ces passants veulent la saisir, ils n’ont entre leurs mains que ce dépôt de désir qui leur restera entre les doigts, spectre de la ville, cadavre de la ville, fantôme hantée par la ville, et hantise de la ville qui continue sur eux.


On ne croirait pas, au premier abord, que Maldoror contînt tant de sang dans ses artères ; car, sur sa figure, ne brillent que les reflets du cadavre.

Lautréamont, Maldoror, Chant II


Géométrie ininterrompue de la ville, angles durs, droits, sévères, définitifs, certains, indubitables — précis de vocabulaire absolu de lignes incontournables qui finissent, dans les intersections qu’elles découpent, par dessiner (non : par invoquer) une ville de fer et d’os noirs, sans terre (il n’y a pas de terre dans cette ville) : ainsi, qu’on se plonge dans les reflets de la ville, on ne verra qu’une vérification de ses lois, une justification, et une élaboration recommencée de son espace. Les théorèmes qui la fabriquent nous restent inconnus. On sait qu’ils sont justes cependant, plus justes que dix, ou cent, ou mille commandements divins, puisque la ville tient droite, elle.


La terre ne montre que des illusions et des fantasmagories morales ; mais vous, ô mathématiques concises, par l’enchaînement rigoureux de vos propositions tenaces et la constance de vos lois de fer, vous faites luire, aux yeux éblouis, un reflet puissant de cette vérité suprême dont on remarque l’empreinte dans l’ordre de l’univers.

Lautréamont, Maldoror, Chant II


Reflets donnés et échangés comme des caresses au-dessus du lit : et lit lui-même qui donne le change des caresses, explicite les équivalences d’or pour chaque morsure et baiser (ce sont les mêmes), et à chaque cheveu arraché dans le désir, le reflet au centuple. On se dresse dans la nuit soudain : c’est la nuit soudaine — on devrait être rassuré que tous ces corps mélangés sur soi (en soi) n’étaient que de la matière évanouie du cauchemar : on est plus épouvanté encore d’avoir fait naître pour de faux ces images qui nous manquent alors comme notre première enfance ; nous manqueront pour toujours.


Ô lampe poétique ! toi qui serais mon amie si tu pouvais me comprendre, quand mes pieds foulent le basalte des églises, dans les heures nocturnes, pourquoi te mets-tu à briller d’une manière qui, je l’avoue, me parait extraordinaire ? Tes reflets se colorent, alors, des nuances blanches de la lumière électrique ; l’œil ne peut pas te fixer ; et tu éclaires d’une flamme nouvelle et puissante les moindres détails du chenil du Créateur, comme si tu étais en proie à une sainte colère.

Lautréamont, Maldoror, Chant II


De quel cadavre Maldoror est-il le reflet ? De la ville — que je porte. Qui se porte partout, en moi, hors moi que le jour défait. Et le fleuve qui passe, devant tous sans que personne ne voit ce qu’il transporte d’une rive à l’autre et sans passeur, moi je le vois sur chaque reflet que la ville construit à mesure que je l’invente (là, puis là.) Sais-tu que je pourrais répondre, un jour, d’autres reflets ? Il faudrait d’autres murs, et d’autres corps mélangés (me dis-tu) et d’autres cadavres que tous les livres du monde n’y suffiront pas, peut-être. Mais il faudrait. Aux reflets des villes, on graverait avec nos mains emmêlées des villes inconnues aux longs cheveux de pluie qui descendraient jusqu’aux fleuves, se confondant avec les rues, rouges écarlates comme de la colère, puis noires, bien noires comme des lettres nues.


Quand vous passez sur un pont, pendant la nuit, faites bien attention ; vous êtes sûr de voir briller la lampe, ici ou là ; mais, on dit qu’elle ne se montre pas à tout le monde. Quand il passe sur les ponts un être humain qui a quelque chose sur la conscience, elle éteint subitement ses reflets, et le passant, épouvanté, fouille en vain, d’un regard désespéré, la surface et le limon du fleuve.

Lautréamont, Maldoror, Chant II