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comme le feu se relève
mardi 18 décembre 2018
J’ai avalé une fameuse gorgée de poison. – Trois fois béni soit le conseil qui m’est arrivé ! – Les entrailles me brûlent. La violence du venin tord mes membres, me rend difforme, me terrasse. Je meurs de soif, j’étouffe, je ne puis crier. C’est l’enfer, l’éternelle peine ! Voyez comme le feu se relève ! Je brûle comme il faut. Va, démon !
Rimb., « Nuit de l’enfer », Une Saison en enfer
Dominique A, Revenir au monde (Tout sera comme avant)
Du mot évidence : et de comment on le traverse, ce mot, et son évidence – de ce qui terrasse comme dans la nuit l’expression l’épreuve du feu, de ce qui révèle, ce qui relève le jour aussi, les déchirures, de tous ces mots qui ne veulent rien dire tant qu’ils ne traversent pas le corps et tu retrouverais épars autour de toi les mots comme les mégots de Genet sur les draps soyeux de la chambre d’hôtel ; du mot soyeux : de la couleur des draps, de tout ce qui fait cette vie comme des draps défaits, de la lumière sur la Friche ce matin, la même il y a des siècles quand la Friche n’était même pas encore en friche, un terrain vague, du mot vague, du mot terrain, des deux mots ensemble, de rien qui ne va ensemble, de tout qui bascule avec le jour, la nuit, quoi d’autre.
Il faudrait d’autres vies : mais avec celle-ci, on en fera d’autres, elles seront plus grandes que nous, elles hurleront avant le jour, ce sera le milieu de la nuit pour nous, mais non : pressées de vivre, pressées de sortir hurler dans la nuit pour dire qu’il fait jour et qu’il faut commencer, tout recommencer maintenant encore et encore, et tant pis pour le sommeil, tant pis pour les rêves perdus sous l’eau brûlante de la douche, derrière, oui, tout hurle et il faut rejoindre.