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dans l’extase une vérité

[24•09•22]

samedi 24 septembre 2022


J’aurais honte de chercher dans l’extase une vérité qui, m’élevant au plan de l’univers achevé, retirerait le sens de l’entrée d’un train en gare.

Georges Bataille, Le Coupable

Sur les tablettes d’argile arrachées au troisième millénaire et dont la plupart sont brisées, quelques mots en partie effacés écrits dans une langue inconnue témoigne d’un monde disparu dans le sable : voilà pour le passé qui n’est plus capable de montrer dans les fragments tout ce qu’on ne saura jamais et qu’il ne donnera plus, toute la vie désormais livrée aux pillards et aux guerres acharnées à imposer de toutes ses forces la démocratie — cette image de Babylone traversé en tous sens par les chars d’assauts, vraiment, c’est le monde tel qu’il va, l’image parfaite dans les signes creusés au calame à travers la terre d’un devenir acharné à n’accomplir que des ruines sur quoi tout repose : voilà mes jours (j’apprends que les Anciens disaient la sortie du soleil plutôt que son lever, mais tout comme nous disait sa chute : nous n’aurons jamais d’autres mots).

Le bruit de la pluie, l’odeur de la pluie d’automne, la course des escargots terrorisés dans l’herbe, la couleur du ciel quand elle n’en a pas, le froid sans morsure de l’air, l’apparence du vent dans le vent sans orage, les nuits étendues par endroits au-dedans de soi, tout ce qu’on avait oublié et qui revient aussi sûrement que les rêves quand on les confond avec les souvenirs.

Au-dessus de tout désormais, il y a le mot effaré quand il nomme non plus le sentiment brutal d’une émotion, mais l’état permanent dans lequel nous jette le réel.