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de la cime à l’abîme
lundi 23 août 2010
L’arc en l’abîme il est
Du pont qui fut
Droit comme un songe sûr
Depuis le premier feu cordial
Jusqu’à la combustion commune
La fusion des souffles
As Your Bridges Burn Behind You (Peter Walsh : Laughing Clowns — ’Law of Nature’, 1985)
Ce qui soutient le jour : ce qui rendrait supportable les lois de l’univers ; forme des choses qu’épouseraient sans effort mes violences intérieures (comme un cri dans la gorge qui ne cracherait qu’un soupir) — je cherche.
Que le fleuve coule devant moi toujours à l’immobile, je pourrai (un jour) l’accepter ; que le pont qui l’enjambe ne soit jamais situé qu’à l’endroit le plus bas du ciel : je devrais le comprendre ; et pourtant, que la jeune fille sous les arches n’ait pas sauté malgré son regard, je voudrais le savoir, oui.
Elle a bien regardé les remous sous les arches, tenté de déceler quoi — un signe d’encouragement, ou le contraire. Je suis passé derrière elle, l’appareil photo rangé et accélérant le pas (si j’avais fais demi-tour avant, elle aurait aperçu ma gène et peut-être était-ce ce genre de signe qu’elle attendait) : alors continuer d’avancer, et surtout, surtout ne pas la regarder.
Elle jette un caillou et s’en va quand je suis passé et remonté par les escaliers sur la gauche.
Quand je me retourne sur le fleuve après avoir marché longtemps vers la ville, certitude que le pont tient le ciel plus fermement sur lui.
Enfant, on nous apprenait la règle pour l’accent circonflexe : l’accent de cime est tombé dans l’abîme. Jamais eu l’occasion, avant ce soir, de vérifier l’exception qui confirme règle.