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de la surface des choses passées
jeudi 24 août 2017
Dans un emmêlement confus, la verdure des arbres fait partie de mon sang. La vie palpite dans mon cœur distant… Je n’étais pas destiné au réel, mais la vie a voulu venir à ma rencontre.
Voir, c’est avoir vu : écrit Pessoa, quelque part, dans un passage du livre que je ne retrouve pas – et que j’invente peut-être. Alors je traverse le livre à la recherche des mots qui ne sont jamais ceux-là, et j’en trouve mille autres qui disent la justesse plus sûre de ce jour, et sa dispersion. Dehors, toute la journée, on coupe les arbres : ou la pelouse, ou des bêtes silencieuses ; l’alarme d’un bâtiment public aura hurlé de midi jusqu’à ce soir sans être interrompu, les hommes auraient brûlé s’ils n’étaient pas à la plage ou dans l’ennui de ces jours d’attente qui précèdent la rentrée ; d’ici, je lirai tout le jour, dans le bruit infini de la machine qui abat les arbres ou les insectes, des notes sur Blanqui et Benjamin, rêvant plutôt aux notes qu’il faudrait écrire sur Blanqui et Benjamin – à la surface des choses, on voit mieux l’horizon, pensais-je, on perçoit la douceur perdue des vies enfouies, on devine sa peau au moment de mourir, on peut dessiner des yeux le ballet des oiseaux en se demandant s’ils dansent pour rien ou s’ils exécutent sans qu’on le sache les mouvements qui font persister le monde sans quoi il s’effondrerait : mais non, je ne pensais à rien de cela, plutôt je pensais aux arbres abattus et aux ciels qui s’efface dans le bruit ; au pluriel d’arbre qui n’est pas forêt, mais silences ; à ce mot de rentrée et à l’intervalle qui m’en sépare, qui m’en séparera intérieurement toujours, à ce qu’il faudrait faire, à ce qu’il aurait fallu faire, à ce qu’il fera demain – faire est un verbe impersonnel qui appartient à la pluie et au jour, à la nuit et aux arbres tombés –, aux phrases trop longues qui sont toujours trop brèves, et au paragraphe comme un bloc de pierre dans la terre avec deux dates gravées sur laquelle on crachera par hasard ; à l’amour silencieux toujours, au désir et aux morsures comme du sang, aux lettres qui ne sont jamais mortes ; et à ces mots, le bruit des arbres coupés cesse.