arnaud maïsetti | carnets

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en coup de vent

mardi 23 novembre 2010



Idiot Wind (Bob Dylan, ’Blood on the Tracks’ (NY Sessions), 1975)


La chaussée est très large, en sorte
Que l’eau jaune comme une morte
Dévale ample et sans nuls espoirs
De rien refléter que la brume,
Même alors que l’aurore allume
Les cottages jaunes et noirs.

P. Verlaine (Romances sans paroles, ’Streets’)


J’aurais passé moins d’une révolution de soleil à Paris — pied posé sur la grande ville un peu avant midi, et à six heures du matin le lendemain, j’étais parti : j’aurais vu le jour, puis la nuit, et puis l’aube encore : mais moins d’un jour, c’est le temps passé ici : moins d’un jour, et le reste de la semaine ne durera pas plus longtemps.

J’ai si bien organisé mon temps (je veux dire : cloisonner : l’organisation m’ignore), que je ne sais souvent pas le jour qu’il fait : à part lundi (et dimanche, veille de). Pour les autres jours, il y a seulement le matin, et l’après-midi. Tâches assignées au matin et à l’après-midi opposées : flux de travail différents. Mes seuls repères.

Il n’y aurait donc que les photos pour me dire le jour qu’il était : qu’il fera, évidemment, puisque je prends toujours les mêmes, aux mêmes lieux, aux angles presque semblables. Lu cette phrase, quelque part, sans me rappeler où : ’l’avenir aura déjà eu lieu.’

Sous la toise de cet arbre, la ville paraît rentrer toute, et moi dessous encore, prenant la photo au passage le plus vite possible, moi évitant le froid et le regard (celui de l’immeuble sur moi, mais évitant le mien aussi sur les immeubles : cela me ferait perdre trop de temps), passant en coup de vent, coup de vent moi-même, provocant le coup de vent qui m’emmène, passant seulement d’un jour à l’autre en moins d’un jour.