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éphéméride de chaque minute
mercredi 24 mars 2010
Au matin, on commence le jour ébloui ; les volets ne sont pas assez forts pour empêcher le réveil, l’horizontalité de la lumière qui crève les yeux et on n’y voit rien — c’est qu’on commence à voir.
On réapprend : voir, respirer, marcher, s’orienter dans le temps et l’espace — tout cela qui fait violence et effraction dans la liquidité du sommeil. Comme au premier jour de notre vie, les poumons se déplient au fond de soi pour perforer le corps, et dans la bouche on a ce goût acide du dernier jour de la vie prochaine.
Quand je sortirai au dehors (toujours ces tâches absurdes qui scandent la vie sociale ici-bas, l’appartenance au déroulé des choses), il pleuvra : juste le temps d’être dehors, seulement le temps d’être dehors : comme d’habitude dans cette ville.
Mais tout le reste de l’après-midi, c’est un grand noir d’ombres avec des grouillements de ciel, l’orage semble-t-il, mais je ne verrai pas d’éclair, : le bruit coulisse contre la lumière qu’on devine terrifiante au-dessus des brumes. Et par moments, les nuages fendus nous la font voir, et je plisse les yeux davantage.
À noter l’éphéméride de chaque minute, je crois que j’ausculte aussi le pouls intérieur qui me bat : et l’articulation vide des deux ne m’apprend rien. Les coups de sonde mesurent l’espace au fond de soi, ne trouve aucun ciel, aucun orage.
Demain, je me lèverai tôt ; il fera encore nuit : le jour attendra que je sois dans le train pour se faire.