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fatigues
jeudi 17 juin 2010
Tired Young Man (syd Matters, "A Whisper And A Sigh" 2004)
For love my life has got no space
Forgive a tired young man
Routes qui s’ouvrent : les prendre toutes. Dans la vacance offerte des jours sans terme, prolonger les chantiers, multiplier les projets, les lectures, agrandir de tout son corps l’état des lieux du réel ; ne pas s’en tenir à la fatigue : jusqu’à épuisement du dossier.
Depuis janvier, pari pris et tenu : ne pas entrer dans une librairie sans en sortir avec un livre de poésie. Arbitraire nécessaire ; aujourd’hui, c’est avec l’Archangélique de Bataille. Dans la préface, Berrtand Noël : "toute action contre la poésie ne peut avoir lieu qu’à l’intérieur de la poésie". Ce qui me bouleverse, c’est la précision cruelle de l’expression : ne peut avoir lieu. « L’avoir lieu » sans espace, et blessé : blesser le lieu. L’éparpiller ? L’effondrer ? Le multiplier ? L’emporter aussi, ailleurs : l’enterrer (je pense à la première scène de Tête d’Or de Claudel depuis ce matin, mais pourquoi ? Je sais depuis longtemps qu’il fonde en moi la possibilité de vivre : mais pourquoi ce matin, à nouveau ?)
Lever à 4h30 : le train à 5h50 est parti vide, avec moi. J’ai vu le lever de soleil le plus précoce du monde. L’intensité de la lumière de 6h : seul à la voir (et j’ai écrit dans un premier : seul à l’avoir). Je pense à la dernière scène de Tête d’Or, de nouveau. Et le soir (ce soir), j’aurai, posés à côté de moi, les poèmes crachés par Bataille : je ne suis pas fatigué. Pas encore.
Et cette phrase qui s’impose, détournée avec joie :
il n’y a pas de degré dans la fatigue.