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hâte ; et bascule
mardi 4 mai 2010
Dernières bourrasques de vent, derniers souffles froids — aigrette au bout des doigts qui mord ; et le dos courbé une dernier fois pour remonter les rues, je longe Boulevard Clichy vers La Fourche, six heures du matin vide comme une terre de vigne en avril ; lointain aussi ; dense des foules évanouies — et malgré moi je sens dans tout ce froid des saints de glace les promesses de chaleurs pesantes en lesquelles je me sens tellement mieux.
Plus tard, dans quelques semaines, quand trente degrés dehors et que les autres se plaignent, se poser dans la trajectoire de la chaleur (hâte) : ne respirer qu’en douleur, et sentir le poids de l’air par effluves, et l’odeur du sol brûlé, des pierres sur les trottoirs ; le soir qui ne descend qu’avachi tout contre soi, et dans le lit, le corps qui n’a pas besoin de plus de peau qui l’étouffe, le corps qui cherche un autre corps pour y déposer sa lourdeur.
Mais pour le moment, dans ce froid qui clôt l’hiver d’avril, solitudes ; semaine qui ouvre mai sans honte, dernier effort pour clore une partie de l’année ; oui : hâte que cette année se renverse sur l’angle de sa hanche, et bascule, au coin de la rue — bientôt juin, que je devine dressé derrière tel immeuble de pierre blanche, et qui m’attend, posé en avant du pas qui presse pour chasser le froid, appeler à lui la fatigue qui fait tenir debout et les pages noires.