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il y a toujours quelque chose

dimanche 27 juin 2010



Ainsi la nuit : miroir d’espace (Henri Dutilleux)


Lire chaque matin depuis une semaine (et rapidement lues, les 500 pages) L’Obélisque noir de E. M. Remarque ; tant à dire — mais impression, rare et précieuse, d’avoir lu ce livre au bon moment, à l’instant sûr où je pouvais le recevoir. Place du Parlement, avant que la chaleur ne rende le lieu impossible, traverser l’Allemagne de l’été 23, les pompes funèbres qui sont autant celles de l’après-guerre que de l’avant-guerre. Et les marches dans l’asile.


I - Que font les miroirs quand ils sont seuls ?
L - Ils reflètent ce qui se trouve là.
I - Et quand il n’y a rien ?
L - Il y a toujours quelque chose.
I - Et la nuit ? Par nouvelle lune ? Dans le noir, qu’est-ce qu’ils reflètent ?
L - Peut-être dorment-ils ! Et avec le jour, ils s’éveillent.

Oui, avec Isabelle, je demande : que deviennent les objets quand on ne les voit pas ? Et notre image sur le miroir, quand on s’éloigne ; où va-t-elle jusqu’à la prochaine fois où l’on fera de nouveau face ? Ce n’est pas une pensée de fou. Ni même une pensée : une ignorance simple et qui dépasse de beaucoup la simple idée de l’absence. Englobe, sans trop pouvoir le dire, la perception même du désir, du manque, quand ces pensées sont incarnées. Sont impossibles.

Une porte fermée sur un dehors vide, un dedans clos et séparé. Moi, de l’autre côté de la porte, suis-je dehors — ou plutôt : dans le dedans qui le contient ? Derrière cette porte, les images insensées de la terreur le soir quand on se couche et qu’on entend au dehors les pensées frapper à la porte du sommeil, demeurer dehors, et que, dedans, rumeurs plus sourdes encore ; on s’endort en elles — le lendemain, le reflet de la folie aura pris corps en moi, un peu plus.